Kidnapping: une série bien enlevée

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Enlèvements d’enfants, adoption internationale, procréation médicalement assistée, mères porteuses, la série danoise « Kidnapping » (DNA dans son titre original) résonnait suffisamment avec mon parcours professionnel pour que j’enfile illico mon costume d’expert… de canapé.

Cette série en huit épisodes, signée Torleif Hoppe, co-créateur de « The Killing », débute par une enquête policière portant sur la disparition d’une petite fille de 11 mois. Alors que les investigations s’orientent rapidement vers le père de la fillette, réfugié iranien débouté dans sa demande d’asile, un évènement catastrophique vient bouleverser la vie de l’inspecteur Rolf Larsen en charge de l’enquête. Dès le deuxième épisode, la narration fait un bon de 5 ans en avant, la suite de la série devant permettre à l’inspecteur Larsen de découvrir ce qui s’est réellement passé au moment de l’enlèvement, puis au cours de ces années.

Au fur et à mesure que l’histoire progresse, le scénario met subtilement en avant des thèmes de société liés à la filiation : on l’a dit, le premier suspect est un réfugié iranien, caricature du père kidnappeur. Plus tard, l’enquête croise à Paris un couple homosexuel qui a « adopté » un petit garçon en ayant eu recours à une mère porteuse (alors que cela est interdit en France). « On savait qu’on n’était pas vraiment dans les clous avec cette procédure » reconnaît l’un des partenaires. Un autre couple devra avouer avoir refusé l’enfant qui lui était proposé, madame n’ayant pu s’y attacher, le teint de peau de l’enfant étant trop différent du sien. Mais à mes yeux, la réplique qui m’a le plus touchée est celle d’une responsable d’un foyer d’accueil polonais pour mères célibataires, qui déclare à l’inspecteur Larsen : « Nous respectons scrupuleusement les standards de la Convention de La Haye sur l’adoption ».

Au-delà du fait que c’est probablement la première fois que la Convention de La Haye relative à l’adoption est explicitement mentionnée dans une série télé (ce qui tendrait à démontrer la « normalité » de cette procédure »), cette réflexion m’a replongé dans les missions d’évaluation des systèmes gouvernant l’adoption internationale que j’ai menées dans différents pays d’origine avec le Service Social International, UNICEF, et mon ami Nigel Cantwell. Nous y constations en effet trop souvent comment il était relativement aisé de contourner les normes internationales pour rendre des enfants adoptables et cacher leur véritable origine. Manipulation des mères pour consentir à l’abandon, exploitation des zones grises des législations nationales, jonglage entre différents pays pour profiter de leurs avantages sociaux, économiques et législatifs, les moyens sont nombreux pour créer des filiations à tous prix. Le fait que la dimension internationale de la gestation pour autrui ne fasse aujourd’hui encore l’objet d’aucune régulation internationale reste d’ailleurs l’objet d’une profonde préoccupation de la part des défenseurs des droits de l’enfant à travers le monde.

« Kidnapping » reste bien sûr une œuvre de fiction, avec ses ressorts dramatiques et ses défauts, mais elle a le mérite d’illustrer ce qu’une certaine forme de « globalisation des modes de filiation » peut engendrer comme dérives, tout en préservant une forme de respect envers la sincérité des différents acteurs concernés.