En bande-dessinée et dans le cinéma, certaines œuvres racontent une histoire telle qu’elle est vécue par l’enfant, tout en donnant au lecteur adulte les clés de compréhension du monde qui manquent à l’enfant… Ce choix de perspective met en lumière la question de la participation de l’enfant à l’environnement et à la vie qui l’entourent. Ces œuvres constituent également des outils pédagogiques très efficaces, tant pour les adultes que pour les enfants. N’hésitez pas à partager vos découvertes, je me ferai un plaisir de les relayer!

Bande dessinée

Dans la série «Spirou» d’Emile Bravo, l’auteur réussi de manière admirable à construire l’histoire du jeune Spirou du point de vue de l’enfant, tout en permettant au lecteur de recadrer le récit dans la Grande Histoire. La saga imagine l’enfance de Spirou au début des années 1940. Spirou, d’une nature très attentive aux autres, est bringuebalé par les évènements (mobilisation, invasion de la Belgique, crise économique, etc.) et n’a de cesse de faire tout ce qu’il peut pour aider ceux qui l’entourent, y compris Fantasio, pourtant particulièrement détestable en début d’histoire…

voir également: Emile Bravo: l’art de l’enfance

dès 12 ans

Dans «Seule», une petite fille est ballottée par la guerre civile espagnole, d’une maison et d’une famille à l’autre, jusqu’à ce qu’elle décide de retrouver sa mère. Obligée de comprendre seule ce qui se passe autour d’elle, l’enfant fait preuve de détermination et de courage, même si cela ne l’amènera pas là où elle pensait aller…

dès 12 ans

Le Grand Méchant Renard raconte les mésaventures d’un renard trop peureux et trop chétif pour attraper les poules qu’il rêve de manger. Le loup tente de lui apprendre les bases de la cruauté, mais rien n’y fait, les choses tournent toujours à l’inverse de ce qui était prévu. Au fil des évènements, l’histoire nous parle, l’air de rien, d’attachement, de figure maternelle, de famille… Un régal! 

dès 8 ans

Avec pour thème principal la séparation d’un frère et d’une sœur suite au divorce de leur parents, « Les petites cartes secrètes » raconte, du point de vue des enfants, les difficultés de leur séparation et les stratagèmes mis en œuvre pour essayer de réunir les parents malgré tout. Si le ton général est plutôt triste, les trouvailles des enfants et le happy end équilibrent l’ensemble. L’ouvrage est surtout intéressant par son parti-pris de raconter une séparation à hauteur d’enfant.

dès 8 ans

«Piments Zoizos – Les enfants oubliés de la Réunion» de Téhem retrace l’histoire de Jean et Madeleine, enfants réunionnais arrachés dans les années 60 à leur mère par les services sociaux qui leur promettent une vie meilleure en métropole. On y suit également Lucien, un jeune fonctionnaire fraîchement affecté à La Réunion, où il devra superviser le transfert de «pupilles de l’État» dans l’Hexagone.
Outre un récit sensible qui adopte à la fois le point de vue de l’enfant et celui de l’adulte «responsable» du placement, l’ouvrage propose des petites fiches pédagogiques qui remettent en perspectives les évènements de l’époque.

dès 12 ans

Cinéma

À la poursuite de Ricky Baker (Hunt for the Wilderpeople) écrit et réalisé par Taika Waititi raconte l’histoire de Ricky, un ado tout en opposition… Abandonné par sa mère, trimballé de foyer en foyer, Ricky a mis en échec toutes les mesures qui lui ont été « proposées ». Sa dernière chance? Une famille d’accueil, Bella et Hec, des fermiers sans enfants vivant au fin fonds du bush néozélandais. Suite à bien des mésaventures, Ricky se retrouve en fuite avec Hec, poursuivis par la police et les services sociaux. 
Un film d’une belle sensibilité qui, à travers une narration volontairement caricaturale, souligne le profond désarroi d’un ado face au système social qui « veut son bien »…

dès 12 ans

Kamchatka est un film argentin réalisé par Marcelo Piñeyro, sorti en 2002. Argentine,1976: un enfant de 10 ans raconte quelques mois de l’histoire de sa famille. Alarmés par des disparitions et des assassinats dans leur entourage, le père, avocat, et la mère, scientifique, décident de quitter Buenos Aires pour se cacher à la campagne avec leurs deux fils de six et dix ans. Ceux-ci sont laissés dans l’ignorance des raisons de tous ces bouleversements, mais reçoivent de strictes consignes de sécurité : interdiction de téléphoner, code pour une fuite immédiate, itinéraire à suivre, etc.
Ce film donne uniquement la perspective de l’enfant sur les évènements, ce qui en fait une référence unique lorsque l’on s’intéresse à la participation de l’enfant!

dès 12 ans

Le Tambour (titre original: Die Blechtrommel) est un film germano-franco-polonais réalisé par Volker Schlöndorff sorti en 1979, adapté du roman éponyme de Günter Grass paru en 1959.
L’histoire du Tambour est racontée sous la forme d’un long monologue, mené par Oskar Matzerath, héros du film. Doté d’une intelligence innée hors du commun, il reçoit en cadeau, pour son troisième anniversaire le 12 septembre 1927, un tambour de fer-blanc laqué rouge et blanc. Choqué par le monde des adultes, il décide de cesser de grandir. Pour cela, il fera exprès de chuter du haut des escaliers de la cave de sa maison, et va ainsi conserver sur le monde un regard d’enfant implacable et inflexible. Niant toutes les convenances sociales, il se sert de son tambour pour éprouver le monde et pour battre la mesure de l’humeur ambiante. Ainsi, figé dans son corps de petit garçon de trois ans, son tambour en permanence rivé à son cou, le narrateur raconte sur un mode épique et très noir sa traversée des années 1930, de la Seconde Guerre mondiale et de la revitalisation économique qui s’ensuit. Source

dès 16 ans

Les Quatre Cents Coups Film de François Truffaut, sorti en 1959, largement autobiographique, raconte l’enfance difficile d’Antoine Doinel, ses relations avec ses parents et ses petits larcins qui lui vaudront d’être enfermé dans un centre pour mineurs délinquants. À la fin des années 1950, Antoine, 12 ans, vit à Paris entre une mère peu aimante et un beau-père futile. Antoine éprouve une admiration fervente pour Honoré de Balzac. Il lui a consacré un autel, une bougie éclaire un portrait de l’écrivain et met le feu à un rideau, provoquant la colère de son beau-père. De plus, malmené par un professeur de français autoritaire et injuste, il passe, avec son camarade René, de l’école buissonnière au mensonge. Puis c’est la fugue, le vol d’une machine à écrire et le commissariat. Ses parents, ne voulant plus de lui, le confient à l’« Éducation surveillée ». Un juge pour enfants le place alors dans un Centre d’observation où on le prive même de la visite de son ami René. Profitant d’une partie de football, Antoine s’évade. Poursuivi, il court à travers la campagne jusqu’à la mer.
Ce classique du cinéma montre, en 1959 déjà, comment un enfant glisse peu à peu vers un univers institutionnel dur et ostracisant, alors que lui n’avait guère de mauvaises intentions et qu’il a surtout été victime des circonstances. Source

dès 14 ans

Johannes, surnommé Jojo, a 10 ans. Comme il ne connait du monde que l’Allemagne fasciste, avec ses codes et ses valeurs, c’est tout naturellement qu’il se considère comme un vrai nazi. Il voue une admiration sans borne à Adolf Hitler, à qui il s’adresse régulièrement comme le font les enfants ayant un ami imaginaire.
Ce point de départ un peu déroutant permet au réalisateur Waititi de poser un regard d’enfant sur cette période sombre et complexe de l’histoire allemande. Cet exercice n’est pas sans rappeler «Le Tambour» de Schlöndorf (les deux jeunes acteurs ayant d’ailleurs une ressemblance physique un peu troublante), mais si le héros du Tambour refuse le monde des adultes, Jojo veut absolument s’y conformer. Malheureusement, après un bête accident avec une grenade, Jojo se voit reléguer à des tâches peu glorieuses au sein des Hitlerjugend. Cette première faille va peu à peu conduire Jojo à devoir remettre en question ses convictions, jusqu’à ce que la fin de la guerre lui permette de se débarrasser définitivement de son ami Adolf. 
Si Waititi affectionne le monde de l’enfance (voir «A la poursuite de Ricky Baker» également chroniqué ici), il présente ici une histoire parfois déroutante qui oscille entre le conte enfantin un peu loufoque et la réalité atroce de l’époque. 
Au final, Jojo Rabbit aide surtout à faire comprendre la difficulté à grandir, l’importance des modèles… et la place de l’enfant dans le chaos du monde adulte.

dès 12 ans