Protection virtuelle dans le monde virtuel

Loading

La place quasiment vitale qu’occupent désormais les différents moyens de communication numériques auprès de la jeunesse fait partie des réalités de notre société. Il est aujourd’hui admis que l’exposition des enfants et des jeunes aux différents mondes virtuels qu’ils fréquentent comporte des risques importants dont il convient de se saisir pour tenter d’en limiter l’impact.

Un projet de loi fédérale sur la protection des mineurs dans le secteur du film et du jeu vidéo est actuellement en discussion auprès des Chambres Fédérales. Il a pour but la « protection des mineurs contre les contenus médiatiques de films et de jeux vidéo qui pourraient porter préjudice à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social, notamment des représentations de violence, de sexe et de scènes effrayantes ».

Sans entrer dans les détails, ce projet met l’accent principal sur l’obligation d’indiquer l’âge requis pour tel ou tel contenu, de mettre à disposition un contrôle parental et de créer un système de signalement des contenus inadéquat. A noter que ces mesures seront mises en œuvre dans le cadre d’une « corégulation entre acteurs publics et privés. »

Si la nécessité de mettre en place des mesures permettant de mieux protéger les enfants et les jeunes dans un domaine qui occupe tant de place dans leur vie quotidienne, le projet de loi paraît bien léger par rapport aux nombreuses questions et défis que soulève ce mode de consommation.

Relevons tout d’abord que les indicateurs d’âge requis n’ont jamais été dissuasifs, bien au contraire, et que le contrôle parental est utile … tant que votre enfant ne maîtrise pas mieux que vous les différentes combines permettant de le détourner. L’interdiction n’a jamais prouvé avoir une quelconque valeur pédagogique. De plus, un système de corégulation entre acteurs privés et publics a peu de chance d’aboutir à la mise en place de normes contraignantes et efficaces.

Outre ces faiblesses, il est regrettable que l’occasion n’aie pas été saisie pour élargir le débat à d’autres termes connexes, étroitement liés à la préservation de la santé de la jeunesse consommatrice de médias numériques :

– La publicité directe ou indirecte visant les enfants par le biais des jeux vidéos et des autres contenus ne devrait-elle pas être interdite, ou limitée ?

– La durée d’exposition aux médias numériques peut-elle faire l’objet d’un encadrement contraignant, ou du moins d’outils de régulation ?

– Les offres de produits directement orientés vers les plus jeunes (tablettes, programmes, cartes de crédit, etc.) ne devraient-elles pas être mieux régulées ?

– Le droit à l’image des enfants et à la protection de leur identité numérique sont-ils pris en compte, en particulier au moment de l’inscription ?

Lorsque la loi parle de film, elle se réfère au format cinématographique usuel, mais actuellement, est-ce que les millions de vidéos tournées sur téléphone ne constituent-elles pas elles aussi des films ? Ne devraient-elles donc pas être également soumises à une forme de règlementation ? La question des « enfants-stars » qui gèrent des chaînes youtube générant des revenus pour le compte de leurs parents n’est-elle pas comparable à n’importe quelle série ? En France par exemple, la question de la mise en scène de leurs enfants par les « influenceurs » du web a fait l’objet d’une règlementation très stricte (on peut consulter à ce sujet la très bonne vidéo d’ABC Juris «Oliver Twist aurait-t-il été un enfant-star sur youtube ? » ).

Il ne s’agit pas ici de plaider pour une règlementation à outrance, mais l’évolution technique qui creuse impitoyablement le fossé intergénérationnel, comporte des risques qu’il faut précisément traiter avec le regard de la génération concernée. Osons la caricature : ce projet de loi donne l’impression de revenir au bon vieux carré blanc des années septante, sensé éloigner les enfants de contenus jugés inappropriés…

Photo : Unsplash