25 ans de droits de l’enfant en Suisse: Quelle intégration dans nos politiques publiques?

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À l’occasion du 25ème anniversaire de l’entrée en vigueur, en Suisse, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, l’Association pour le dictionnaire des droits de l’enfant (ADIDE) lance un appel aux autorités et aux administrations de la Confédération et des cantons afin que les droits des enfants soient systématiquement intégrés dans nos politiques publiques.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant s’applique en Suisse depuis le 26 mars 1997. Si des progrès notables dans la mise en œuvre de ces droits ont été réalisés, force est de constater que de réels efforts demeurent nécessaires.

Loin de nous la volonté d’affirmer que nos autorités font preuve de désinvolture et que ces droits sont systématiquement négligés. Nous n’allons pas non plus remettre en question l’engagement, la compétence et la solidarité dont les parents, les professionnel.le.s, les élu.e.s et les administrations font preuve, au quotidien, pour répondre à des situations difficiles, exigeantes, urgentes ou inextricables.

En Suisse, les mesures de mise en œuvre sont nombreuses. Les enfants ont accès à des structures de soins, de protection, de suivi, de conseils et d’orientation, et à des offres de loisirs et d’expression culturelle. Les institutions et les services dédiés à leur accueil, à leur éducation et à leur inclusion doivent fonctionner dans un esprit d’ouverture et de lutte contre les inégalités. Leur souci de progression ne peut être que constant.

Il ne saurait en être autrement, car les gouvernements et les administrations de la Confédération et des cantons ont l’immense responsabilité de respecter l’ensemble des droits humains sans exception, et de « donner aux enfants ce que nous avons de meilleur », pour paraphraser la Déclaration de Genève, adoptée dans cette ville en 1924.

Or, en dépit des améliorations enregistrées, les droits de l’enfant restent invisibles dans des orientations politiques et dans des programmes législatifs qui pourtant les concernent, à divers échelons :

  • À Genève, qui sait que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a sévèrement critiqué la Suisse au sujet de la prise en charge des enfants atteints de troubles du spectre autistique ? C’était en 2015, et les recommandations du Comité n’ont été suivies d’aucun effet, du moins à Genève.
  • En Suisse, l’administration et les Chambres fédérales ont élaboré et adopté la nouvelle Loi fédérale sur la protection des données (2020) sans prêter la moindre attention aux enfants et aux jeunes. Aucune protection renforcée, aucune facilité d’exercice de leurs droits ne sont accordées, alors que l’univers numérique les expose à des risques multiples et durables : atteinte à leur vie privée, violation de leur intimité, ingérence dans leurs choix et leur liberté de pensée, exploitation de leurs données personnelles.
  • Au plan européen et mondial, quelle place est réservée à la santé et à la qualité de vie des enfants en tant que moteur de la lutte contre le dérèglement climatique ? Quand les gouvernements incluront-ils nommément les droits humains, et en particulier les droits des enfants dans leurs politiques environnementale et climatique ?

L’obligation de protéger tous les enfants et d’encourager leur développement harmonieux incombe incontestablement aux gouvernements[1]. En plus des discours et des affirmations, il est urgent qu’ils fassent des droits de l’enfant un élément constitutif de leurs analyses et de leurs réponses aux défis présents et futurs.

À l’occasion de ce 25ème anniversaire de la Convention en Suisse, nous demandons aux décideuses et décideurs gouvernementaux de systématiquement incorporer ces droits dans leurs politiques et leurs programmes, dès la conception de ceux-ci, au cours de leur construction et lors du choix des outils de mise en œuvre.

Les droits de l’enfant doivent devenir une référence explicite, un des murs porteurs de nos politiques, qu’elles soient relatives à l’enfance, à la famille ou à la société dans son ensemble. Nous sommes conscient.e.s des obstacles, politiques, budgétaires, sanitaires, ou résultant tout simplement de nos défaillances humaines. Mais nous restons convaincu.e.s que l’intégration de ces droits permettra de tracer plus distinctement le chemin à suivre pour promouvoir une société qui accorde à tous les enfants la place qui leur est due.

pour le comité de l’ADIDE :
Y. Heller, J. Imfeld, M-F. Lücker-Babel, H. Boéchat, P. Mingiedi

L’association pour le dictionnaire des droits de l’enfant (ADIDE) a été constituée à Genève en 2016. Elle réunit des membres engagé.e.s dans diverses disciplines touchant à l’enfance (médecine, psychologie, droit, enseignement, coopération internationale, animation culturelle). Son but est de rendre les droits de l’enfant accessibles aux plus jeunes et aux adultes qui les accompagnent.

En 2019, elle a publié le Dictionnaire des droits de l’enfant (éd. La Joie de lire, Genève) et en 2021, les Références des droits de l’enfant (éd. L’ADIDE, Genève).

[1] voir p. ex. les articles 11 et 67 de la Constitution fédérale.