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Cette année, pour célébrer les 33 ans de la Convention (adoptée le 20 novembre 1989), la question du droit de vote des enfants s’invite à la fête.

Le 25 septembre dernier, les citoyens bernois ont refusé à 67,2% d’abaisser le droit de vote à 16 ans. Le 9 février 2020, le même projet avait été refusé dans le Canton de Neuchâtel à 58,52%. Glaris reste ainsi le seul canton suisse à avoir accordé ce droit, le 28 juin 2010 déjà. En Autriche, on vote dès 16 ans depuis 2007. Il ne s’agit pas ici de relancer le débat sur la nécessité d’abaisser l’âge permettant de voter, mais plutôt d’observer ces refus comme autant d’illustrations de la difficulté à faire progresser les droits de l’enfant dans notre société. A titre purement anecdotique, je ne résiste pas à reproduire la position de M. Manfred Bühler, président de l’UDC bernoise, qui déclarait lors de sa campagne en faveur du non : “séparer la majorité civique à 18 ans du droit de vote est une bêtise, une bêtise pour essayer d’exploiter finalement la jeunesse, c’est un projet de gauche qu’il faut rejeter”. Pas sûr que les glaronnais qui eux l’ont accepté par votation en Landsgemeinde apprécient…

Plus sérieusement : Lyes Louffok et Sophie Blandinières ont publié en début d’année « Si les enfants votaient ». Ce « plaidoyer pour une politique de l’enfance » s’adresse en premier lieu aux politiques français, en leur soumettant plusieurs propositions qui doivent permettre de réformer une Aide Sociale à l’Enfance en grandes difficultés. Mais au-delà des drames que génère un système dysfonctionnel, les auteurs s’intéressent aux enjeux de pouvoir qui dominent aujourd’hui encore la manière dont une société traite ses enfants. Parmi les nombreux passages qui m’ont touché, je reproduis ici un extrait qui figure au chapitre initial titré « Avertissement » (p.17) : « Car les enfants sont menaçants, dangereux, révolutionnaires. Ils sont le neuf, le demain, le chant des jours abolis, l’éloge funèbre du temps des adultes. Ce sont leurs voix cristallines que l’adulte piétine. Sur l’enfant, l’adulte se venge de vieillir. Alors, hélas, l’on ne saurait dire si la société ne s’en protège pas plus qu’elle ne les protège. Les droits innés, des parents sur les enfants marchent seuls. Sans devoirs, semble-t-il, pour les accompagner. Les enfants, à l’inverse, sont tenus pour responsables quand ils commettent un délit. Mais pas quand il s’agit de voter. On leur ouvre facilement les portes du pénitencier, mais pas celles de l’isoloir ». Si les enfants votaient, alors leurs voix compteraient, les politiques s’y intéresseraient. Quel parti politique a inscrit les droits de l’enfant dans son agenda ?

Si chacun admet volontiers que l’enfance et sa protection sont une affaire sérieuse, comment se fait-il que l’on persiste à exclure du débat les principaux concernés ? Certains arguments en faveur du changement semblent pourtant évidents : est-ce que moi, en tant qu’adulte, je considère que mes propres parents sont toujours légitimes pour comprendre le monde dans lequel j’évolue et pour approuver mes choix ? Nos valeurs et nos visions sont-elles les mêmes ? Est-ce que moi, en tant que parent, je suis complètement conscient des enjeux auxquels fait et devra faire face mon enfant, dans le monde dans lequel il évolue ?

Il y a quelques années, Philip Jaffé, actuel membre du Comité des Droits de l’Enfant, lançait l’idée du « droit de vote dès le berceau ». Une formulation provocatrice ? Pas si sûr : le 26 octobre 2022, le député jurassien Christophe Schaffter a déposé un postulat intitulé « Donner une existence politique à chaque citoyen-ne, dès sa naissance ». On se réjouit de lire la réponse du Gouvernement jurassien !

Bon anniversaire la Convention !

Photo : Priscilla Gyamfi unsplash.com