La recherche d’origines est (elle aussi) l’objet d’une certaine mythologie : des voyages initiatiques dans le pays de naissance, des réminiscences d’odeurs et de goûts datant de la petite enfance, et parfois des retrouvailles bouleversantes avec la famille biologique. Mais une fois de plus, l’image d’Epinal peut cacher bien des écueils.
France Inter diffusait vendredi dernier une émission intitulée « Adoptions internationales : quand la recherche des origines devient un véritable business ». La journaliste Laetitia Cherel a enquêté en Inde, au Sri Lanka et au Guatemala, se faisant passer pour une personne adoptée en recherche de ses origines. Les résultats de son enquête sont édifiants : tarifs exorbitants, intermédiaires douteux, fausses informations et parfois même fausse mère payée pour « jouer » la mère biologique recherchée.
Depuis quelques années, l’adoption internationale est engagée dans un travail de remise en question quant à son histoire, aux valeurs qui l’ont construites et aux abus qui l’ont affectée. Cette nouvelle étape est en particulier portée par les démarches de recherche d’origines : en cherchant des informations personnelles, des personnes adoptées ont souvent été confrontées à des incohérences et des irrégularités dans leur dossier, rendant alors visible la part sombre de l’adoption internationale. En mutualisant ces approches individuelles, le message des adoptés a fini par toucher les médias, puis le monde politique. Des réponses nationales ont été formulées dans certains pays d’accueil, ou sont en train de l’être. Or, si les approches politiques et historiques en cours se concentrent sur les pratiques du passé et leurs conséquences sur la manière dont l’adoption internationale va ou doit évoluer, on constate que les besoins actuels en termes de recherche d’origine sont peu ou pas intégrés dans ces réflexions.
Le colloque « Un siècle d’adoption des enfants en France 1923-2023 » qui s’est tenu à Angers la semaine passée a rappelé les liens qui se sont tissés entre l’évolution des cadres juridiques régissant l’adoption et leurs conséquences sur les possibilités d’accès aux informations personnelles. La présence de plusieurs collectifs d’adoptés a également permis de mettre en lumière l’importance des besoins en matière d’aide et d’accompagnement de ces démarches, et les risques qu’elles comportent. L’engagement associatif à ce sujet est remarquable, mais il souffre d’un manque criant de moyens.
En Suisse, il y a un an, les autorités fédérales et cantonales ont décidé la mise en œuvre d’un projet pilote avec l’association Back to the roots destiné à soutenir les personnes adoptées en provenance du Sri Lanka dans la recherche de leurs origines. Les conclusions du groupe d’experts sur ce thème n’ont pas encore été publiée. Une nouvelle structure, le BARO (Bureau d’Aide à la Recherche des Origines) a également vu le jour il y a quelques mois, avec l’ambition de développer ses services en Suisse romande.
La recherche des origines est une étape délicate pour les personnes adoptées qui souhaitent s’engager dans cette voie. Elle présente des risques importants pour la personne elle-même, pour son entourage et peut-être même pour la famille biologique. Elle nécessite donc un accompagnement professionnel qui puisse guider la personne, lui fournir les informations pertinentes et les conseils adéquats pour éviter que ces démarches ne causent de nouveaux dégâts. Si les Etats d’accueil décident de s’engager dans un processus introspectif de reconnaissance des erreurs du passé il est essentiel qu’ils prennent simultanément en compte les besoins du présent.
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