Mesures de protection en Suisse: des statistiques à l’image du système

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La publication, par la COPMA (Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes),, des statistiques annuelles relatives aux mesures de protection en Suisse, constitue un indicateur intéressant quant à l’évolution du « système suisse de protection ». Les chiffres collectés sont ceux fournis par les APEA (Autorité de Protection de l’Enfant et de l’Adulte) des cantons.

Pour l’année 2022, au niveau national, 46’135 mineurs étaient sujets d’une mesure de protection, soit une prévalence de 29.14 pour 1000 mineurs résidents. Ce taux est en augmentation régulière depuis 2018 (2018 : 27.44 ‰ ; 2019 : 27,7 ‰ ; 2020 : 28.01 ‰; 2021 : 28.5 ‰ ). Parmi eux, 5’132 enfants étaient placés en familles d’accueil ou en foyers (soit 11% des mesures). La COPMA souligne l’existence de fortes disparités entre cantons : les taux les plus bas se trouvent à Uri (11.5 ‰) et Zoug (14.6‰), les plus hauts dans le Jura (41.6‰ ) et Neuchâtel (45.53‰).

Sur la base des données disponibles, j’ai voulu comparer l’évolution des chiffres entre les cantons latins sur les 5 dernières années. La représentation graphique suivante illustre l’évolution du nombre de toutes les mesures de protection mises en relation avec la population mineure cantonale.

Pour les 7 cantons concernés, on constate (par ordre alphabétique):

– que Fribourg est plutôt fluctuant (diminution suivie d’augmentation) ;
– que Genève est stable, mais assez élevé (entre 32 et 36‰) ;
– que le Jura a eu le taux le plus élevé, mais qu’il a tendance à progressivement diminuer (de 45.52 à 41.6‰) ;
– que Neuchâtel est en augmentation régulière et présente le taux le plus élevé en 2022;
– que le Tessin est relativement stable ;
– que le canton de Vaud a le taux le plus bas, qui reste très stable (entre 17 et 20‰);
– que le Valais présente la diminution la plus visible ( – 8.03‰ en 2 ans).

Si ces chiffres ne disent évidemment rien des raisons qui dirigent ces évolutions, ces différences entre cantons mériteraient d’être analysées en détail. Mais il demeure un problème : certaines données sont incomplètes et incomparables entre elles. Par exemple, pour Neuchâtel la rubrique « nombre d’enfants soumis à des mesures de protection » est inférieure à l’addition des différentes mesures (ce qui est semble-t-il dû à la méthode de comptage). Pour le Valais, une note de bas de page indique que « sur les 19 APEA du canton du Valais, seules 11 APEA ont pu fournir des données pour l’année 2022. Les chiffres des mesures de l’année 2022 ont été, pour le Valais, extrapolés sur la base des données des 11 APEA ayant pu en fournir et en tenant compte des chiffres de l’année 2021 ». La collecte de chiffres fiables concernant la protection des mineurs reste donc malheureusement incomplète à ce jour.

Pour tenter malgré tout de sortir quelques données comparatives, j’ai compilé les chiffres relatifs aux placements d’office (art. 310 du Code civil) et ceux relatifs à l’ensemble des mesures de curatelle (art. 308 CC), sur la même période (2018 -2022).

Si l’on met ces chiffres en relations avec les données du tableau précédent, on peut résumer les choses ainsi:

Cette analyse sommaire ne permet certainement pas de tirer de grandes onclusions, si ce n’est que la politique de protection de l’enfance est une compétence cantonale dont la mise en œuvre est construite en conséquence…

Si les règles du fédéralisme ont leur raison d’être, le Comité des Droits de l’Enfant relevait dans ses dernières recommandations à la Suisse : « S’il note que les mesures publiques de protection de l’enfance relèvent principalement de la compétence des cantons, le Comité est d’avis qu’une politique et une stratégie d’ensemble relatives aux droits de l’enfant qui seraient adoptées au niveau fédéral pourraient servir de base aux plans et stratégies cantonaux. Rappelant ses recommandations antérieures, il recommande à l’État partie :

a) D’élaborer et d’adopter une politique nationale globale de protection de l’enfance qui couvre tous les domaines visés par la Convention et, sur la base de cette politique, de définir une stratégie de mise en œuvre à l’échelle cantonale qui bénéficie de ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;

b) De veiller à ce que cette politique guide la mise en œuvre des dispositions de la Convention par les autorités cantonales et mette particulièrement l’accent sur les groupes d’enfants en situation de vulnérabilité, notamment les enfants faisant l’objet d’une protection de remplacement, les enfants handicapés, les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants et les enfants sans titre de séjour ».