La Suisse a-t-elle peur de sa jeunesse?

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Lors de sa session du 28 février, le Conseil National a traité deux sujets qui, s’ils paraissent très éloignés l’un de l’autre, donnent, mis ensemble, une triste image de la politique fédérale concernant la jeunesse.

Tout d’abord, la Chambre du Peuple a accepté le projet visant à introduire la mesure dite d’internement, c’est à dire un enfermement à durée illimitée, pour des auteurs ayant commis un assassinat après l’âge de 16 ans, et qui présentent un sérieux risque de récidive à la fin de l’exécution de leur sanction. L’énoncé en dit déjà long sur le nombre de situations potentiellement concernées. Dans son intervention au Journal télévisé du 28 février, l’ancienne juge des mineurs, Madame Fabienne Proz Jeanneret, confirmait que les peines de prison ferme ne concernent qu’un pour-cent des dossiers traités en Suisse (ce qui ne signifie pas encore que ces derniers soient tous concernés par la nouvelle disposition pénale). On peut dès lors s’interroger sur les raisons qui ont motivé nos parlementaires à lancer la machine législative sur un problème statistiquement marginal, d’autant plus que la réponse proposée va à l’encontre des valeurs progressistes soutenant le droit pénal des mineurs. Par sa durée indéterminée, l’internement est probablement la pire mesure qui soit, puisqu’elle empêche toute perspective d’avenir et de projet de réinsertion. 

Le même jour donc, la même Chambre, a définitivement enterré le droit de vote à 16 ans. Le motif principal repris dans les médias étant que « l’’introduction du droit de vote à 16 ans entrerait en contradiction avec les droits et devoirs civils et pénaux prévus pour les citoyens et citoyennes suisses à partir de 18 ans » (…) et qu’il est « problématique de définir des âges différents pour le droit de vote et le droit d’éligibilité ». En d’autres termes, il serait impossible de faire comprendre aux intéressés qu’ils auraient pu avoir le droit de voter à 16 ans, mais qu’ils auraient dû attendre leurs 18 ans pour pouvoir être élu. 

Si la vacuité des arguments n’a pas empêché l’adoption de ces décisions aux forts relents réactionnaires, il apparaît que leur contenu essentiellement contradictoire ait échappé aux débats. En effet, toutes deux concernent la population des mineurs dès 16 ans. Or, si d’un côté nos parlementaires estiment que les jeunes ne sont pas suffisamment matures à cet âge pour faire la différence entre droit de vote et éligibilité, de l’autre, nos élus considèrent que cette même immaturité ne saurait en rien justifier une approche différenciée de la sanction pénale.

En l’absence de discussions sur le fond, il semble donc que la peur soit un moteur suffisant pour renforcer inutilement l’arsenal pénal, ou pour préserver le monde politique des assauts démocratiques d’une jeunesse bouillonnante.

Photo : Olesya Yemets