Des histoires de petits suisses

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La Fondation Gianadda à Martigny et le Forum de l’histoire suisse à Schwytz proposent chacun une exposition consacrée à l’enfance au XIXème et XXème siècle en Suisse. Sans qu’il n’y ait eu apparemment, de connexion entre les deux dans leur préparation, la visite de l’une et de l’autre apporte une vision à la fois différenciée et complémentaire de l’enfance suisse à cette période.

Albert Anker (1831 – 1910) a peint plus de 500 tableaux ayant les enfants pour thème. A la maison ou à l’école, seuls ou en famille, bébés ou adolescents, le peintre s’inscrit dans les évolutions de son temps. A la suite de Pestalozzi ou de Dickens, l’enfant est au centre de son œuvre comme pour tenter de lui donner une place dans une société encore peu encline à la lui accorder. Ses peintures très réalistes donnent à voir une enfance campagnarde simple et souvent heureuse, mais aussi confrontée aux drames de la mort ou de la maladie. Cette mise sur le devant de la scène semble inviter le spectateur à une prise de conscience, presqu’une confrontation, avec la réalité de l’existence de l’enfant.

Le Forum de l’histoire suisse s’est quant à lui intéressé aux enfants au travail : tout d’abord les tâches agricoles et les différents types d’artisanat pratiqués à la campagne (tressage de la paille, broderie, etc.), puis le travail dans les usines, les mines et l’industrie. L’exposition inscrit le travail des enfants dans une perspective économique globale, qui voit les populations rurales contraintes soit à mettre les enfants à la tâche, quitte à les priver de scolarité, soit à partir elles-mêmes vers les centres industriels, ou chacun trouvera du travail selon ses capacités. Les combats sociaux accompagnent ces évolutions, illustrés par l’interdiction du travail des enfant de moins de 14 ans en 1877.

Ces deux expositions donnent ainsi à voir les deux faces d’une même médaille (on pourrait même imaginer une parenté entre les deux fillettes sur chacune des affiches des expositions). Anker semble vouloir idéaliser l’enfance pour mieux en faire comprendre la valeur. Cette même valeur, mais économique, reste le plus souvent un nécessité pour les familles obligées de compter chaque sou gagné, même par les plus jeunes. On comprend alors que ce sont finalement la combinaison de ces deux approches qui permettra, peu à peu, de faire avancer la place et la cause des enfants dans la société hélvétique : encadrement légal des conditions de travail, scolarisation, santé physique, responsabilité des parents, à chaque étape son avancée.

Fondation Gianadda, Martigny
« ANKER et l’enfance », du 1erfévrier au 30 juin 2024 

Forum de l’histoire suisse, Schwytz 
« Les enfants au travail aux XIXe et XXe siècles », du 24 février au 27 octobre 2024