Dans la continuité des travaux liés à la publication le 11 décembre 2020 du rapport « Adoptions illégales d’enfants du Sri Lanka : étude historique, recherche des origines, perspectives », la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a mis sur pied un Groupe de travail « Recherche d’origine pour les personnes adoptées », dont le rapport a été publié ce jour.
En Suisse, la recherche des origines relève de la compétence des cantons (art. 268c et d du code civil), et cet objet soulève aujourd’hui de nombreuses questions juridiques, structurelles et pratiques. Les dispositions légales précitées sont en effet assez mal adaptées au contexte international d’une recherche d’origine, les ressources cantonales souffrent du décalage entre une nécessaire spécialisation des intervenants et un nombre de demandes limité, et les questions liées à la découverte d’irrégularités ayant affecté une procédure d’adoption internationale restent à ce jour sans réponse complète et cohérente. Le soutien financier accordé par la CCDJP et la Confédération à l’association Back to the Roots pour la mise en œuvre d’un projet pilote d’accompagnement à la recherche d’origine (2022-2024) constitue un pas important, mais il s’adresse uniquement aux adoptés originaires du Sri Lanka.
Les travaux ont été structurés en 5 sous-groupes : accompagnement psychosocial, aide aux victimes, recherche de dossiers et de personnes en Suisse, recherche internationale et adoptions illégales. Ils ont permis de défricher ces différents thèmes, en particulier en mettant en lumière les lacunes du contexte actuel. Leur mise en commun a conduit à l’adoption des recommandations suivantes :
1. Examiner et adapter les compétences et les tâches dans le domaine de l’information (art. 268d al. 1 CC) et du conseil (art. 268d al. 4 CC) selon l’art. 268d CC, ainsi que les tâches des services de recherche. Les personnes et organisations concernées ainsi que les cantons doivent être associés à ces travaux.
2. Examiner et améliorer la coordination des questions d’adoption au niveau politique et technique.
3. Faire appel à des personnes spécifiquement formées et qualifiées pour accompagner et encadrer les personnes adoptées dans le processus de recherche d’origine.
4. Créer une base de données ADN sécurisée au niveau international. Créer la base légale nécessaire à cet effet.
5. Rendre le processus de recherche d’origine gratuit pour toutes les personnes concernées.
6. Mener d’autres projets de recherche dans le domaine de l’adoption.
La lecture de ce rapport met surtout en évidence le fait que la question de la recherche des origines, et en particulier des enjeux liés aux irrégularités, risque d’arriver dans une impasse. En effet, dans la mesure où les services cantonaux compétents ne dépendent pas tous du même département (santé, justice, affaires sociales, etc.), aucun organe supra-cantonal n’est susceptible d’assumer formellement le suivi de ce dossier. Au niveau fédéral, l’absence de base légale empêche à ce stade d’envisager tant une délégation de compétence auprès d’une autorité existante (par exemple l’autorité centrale fédérale pour l’adoption internationale), que la mise en place d’une nouvelle structure nationale. L’extension du modèle du projet pilote Back to the roots pourrait être une option, mais elle suppose une désignation des compétences budgétaires qui bute sur les mêmes obstacles.
La recherche des origines est le reflet de l’histoire de l’adoption en Suisse : elle est complexe et fragmentée, mais également évolutive et empreinte de progrès. Elle est devenue une cause nationale dont les enjeux et le respect dus aux personnes adoptées et à leurs familles imposent de dépasser les limites du fédéralisme.