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Parmi les incessants chambardements sociaux causés par la crise sanitaire toujours en cours, les questions relatives aux enfants s’immiscent ponctuellement dans les débats. La situation des enfants placés a occupé le premier confinement, la santé mentale des jeunes a alarmé au printemps dernier, et à l’approche de la rentrée scolaire, les débats autour de la vaccination des jeunes s’imposent.

Il ne sera évidemment pas question ici d’argumenter pour ou contre la vaccination des moins de 18 ans (même si cela pourrait sans doute booster le trafic sur ce blog), mais plutôt d’observer cette question sous l’angle des droits de l’enfant.

Le 29 juillet dernier, une décision du Tribunal Cantonal fribourgeois vient en effet de poser un jalon important : la Cour fribourgeoise a débouté deux parents qui contestaient l’injection du vaccin contre le coronavirus à leurs enfants âgés de 12 à 15 ans, alors que ces derniers souhaitaient être vaccinés.

Les recourants ont soulevé des arguments d’ordre général concernant la vaccination (stopper définitivement la campagne de vaccination, ne pas procéder à l’injection d’un produit ARNm Covid-19 à un mineur sans le double consentement éclairé et écrit de ce dernier et de son représentant légal, etc.) ; et ces points ont été traités et rejeté par la Cour. C’est la dimension personnelle du recours qu’il est intéressant d’analyser ici, les recourants s’étant déclarés « heurtés par le fait qu’il est possible à leurs deux filles de se faire vacciner sans leur accord, ce qui constitue selon eux une violation de leur autorité parentale ».

La Cour rappelle dans sa décision que « le mineur capable de discernement peut exercer seul ses droits strictement personnels (article 19c al. 1 du Code Civil), et que la jurisprudence admet en particulier qu’un patient mineur peut consentir seul à un traitement médical qui lui est proposé lorsqu’il est capable de discernement. Le mineur ne sera donc représenté par ses parents que s’il est incapable de discernement et l’évolution du droit tend à ce que, même dans cette hypothèse, l’on tienne compte de son avis. La décision en faveur ou contre la vaccination est un droit strictement personnel relatif, exercé par les mineurs capables de discernement eux-mêmes. La représentation (non librement choisie) par un tiers n’est pas possible si le jeune est capable de discernement ». Rappelons que le Tribunal fédéral a établi une ligne directrice par rapport à l’âge à partir duquel l’enfant peut être entendu (6 ans) et qu’il a lié la prise en compte de sa parole à sa capacité de discernement, fixée vers 13-14 ans. La Cour ajoute que des mesures d’accompagnement sont mises en place, les jeunes pris en charge dans les centres de vaccination l’étant sous la surveillance d’un pédiatre. Il est par ailleurs conseillé aux jeunes qui veulent se faire vacciner d’en discuter avec une personne de référence adulte et de se faire accompagner, comme le prévoient les recommandations de la Confédération. La Cour fait également référence à la Convention relative aux Droits de l’Enfant en rappelant le contenu de l’article 12 qui demande le respect de l’opinion de l’enfant dans les décisions qui le concernent. Elle aurait pu s’appuyer aussi sur l’article 16 qui protège la vie privée, les questions liées à la santé étant inclues dans ce droit, tout en précisant que l’article 5 donne aux parents le pouvoir de diriger et de guider l’enfant d’une manière correspondant à l’évolution de ses capacités [1].

La question de la vaccination occupe les échanges sociaux depuis plusieurs mois maintenant, en soulevant des questions fondamentales, souvent légitimes. Elles le sont d’autant plus lorsqu’il s’agit de se déterminer quant à la santé de nos propres enfants. Selon nos valeurs et nos choix, il peut être extrêmement difficile de trouver des réponses qui puissent à la fois protéger les enfants et rassurer les parents. Mais lorsque cela n’est pas possible, le fait de devoir respecter le choix du mineur est obligatoire, dans le respect des conditions précitées. Si l’on peut tout à fait comprendre l’inquiétude naturelle des parents, il n’en demeure pas moins qu’il faille désormais tenir compte de la décision du jeune, même si elle ne correspond pas aux choix de ses parents. Il s’agit là d’une évolution sociale déterminante. Cette crise qui n’en finit pas aura au moins eu ce mérite.

[1] Manuel d’application de la convention relative aux droits de l’enfant, Rachel Hodgkin et Peter Newell © Fonds des Nations Unies pour l’enfance 2002, p.22 ss

photo: Kaja Reichardt / Unsplash