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A l’heure des introspections historiques sur les dérives passées du « travail social », la bande dessinée « Piments Zoizos – Les enfants oubliés de la Réunion » de l’auteur Téhem retrace l’histoire de Jean et Madeleine, arrachés à leur mère par les services sociaux qui leur promettent une vie meilleure en métropole et une bonne éducation. On y suit également Lucien, un jeune fonctionnaire fraîchement affecté à La Réunion, en charge de superviser le transfert de « pupilles de l’État » vers l’Hexagone.

Cet ouvrage revient sur l’histoire de celles et ceux qui sont aujourd’hui regroupés sous la dénomination « Les enfants de la Creuse ». Dans les années 1960, le Gouvernement Français s’inquiète de questions démographiques : d’un côté, ses campagnes souffrent de l’exode rural, de l’autre, sur l’île de la Réunion, la population augmente, et avec elle une frange de la société pour laquelle les perspectives d’éducation et d’emploi sont quasi inexistantes. Pour tenter de remédier au problème, les autorités, à l’initiative de Michel Debré alors député de la Réunion, lancent un projet visant à faire venir en France de jeunes réunionnais afin qu’ils soient accueillis, voire adoptés, par des familles françaises, et qu’ils puissent se former et s’intégrer dans la société.

Mais comme toujours, après les bonnes intentions, le système administratif et social de l’époque ne fera guère dans le détail, déplaçant des enfants sans leur en expliquer la raison, séparant les fratries, les confiant à des familles parfois plus intéressées par une main d’œuvre gratuite que par leur bien-être.

Plus de 2000 enfants ont été concernés par ces « transferts ». Certains, devenus adultes, ont agi en justice et accusé l’Etat français de déportation. Une commission de recherche a été mise sur pied et a rendu un rapport. L’Assemblée nationale a adopté le 18 février 2014 une résolution reconnaissant la « responsabilité morale » de l’État français, excluant toutefois une réparation financière.

Une fois de plus, d’anciennes pratiques, alors perçues comme bénéfiques pour l’enfant, se révèlent avoir été délétères pour la plupart d’entre eux. Elles conduisent ici aussi à une légitime demande de reconnaissance et de réparation, tout comme l’ont été les placements forcés en Suisse et comme l’est actuellement l’adoption internationale.

Pour revenir à la bande-dessinée, « Piment Zoizos » offre un récit sensible qui adopte à la fois le point de vue de l’enfant et celui de l’adulte « responsable » du placement. L’ouvrage est richement documenté grâce au concours de l’historien Gilles Gauvin, et propose des petites fiches pédagogiques qui remettent en perspectives les évènements de l’époque.

Photo : capture écran couverture BD