Sport, jeu et droits de l’enfant

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Vers l’âge de six ans, mon fils a demandé à rejoindre le club de foot de la région, motivé par l’idée d’aller « jouer au foot avec ses copains ». Après le troisième entraînement, il est rentré tout penaud, nous demandant s’il pouvait arrêter. Interrogé sur les raisons de ce rapide changement, il nous a expliqué que ce n’était pas drôle de devoir faire des tours de terrain ou des abdos à la moindre contravention aux injonctions de l’entraîneur. Les chaussures à crampons ont été rendues le lendemain.

Cette anecdote sans conséquence illustre une première tension lorsque l’on parle des enfants pratiquant un sport : s’agit-il de partager un moment de jeu entre amis, ou est-ce que le fait d’être membre d’un club implique obligatoirement de se plier à une discipline perçue comme nécessaire à l’obtention de résultats ? L’esprit de groupe, le sens de l’effort, la joie de la victoire sont des valeurs importantes et formatrices, très souvent au cœur des entraînements sportifs. Encore faut-il qu’elles soient comprises et partagées par l’enfant, et qu’elles répondent à ses motivations personnelles.

La Convention relative aux Droits de l’Enfant reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, et celui de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge (article 31). La pratique du sport n’est pas explicitement mentionnée dans la convention, mais elle s’inscrit de manière générale dans le droit au développement de l’enfant (article 6) et son droit à la santé (article 24). Il s’agit d’une approche de nature déclarative, encourageant les Etats à tenir compte de ce type de besoin, par exemple dans l’aménagement du temps scolaire.

On le sait, la pratique du sport par les enfants est cependant un domaine au sein duquel peuvent se développer différentes formes d’abus, comme l’étude de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne l’a récemment documenté. Elle constate que parmi les jeunes sportifs interrogés, 20,3% ont affirmé avoir subi des violences psychologiques et physiques, 15,5% des violences sexuelles et psychologiques et 15,5% les trois formes de violence. Le Centre sportif de Macolin a également été interpellé par les autorités fédérales pour répondre aux accusations d’abus commis en son sein. D’une manière plus générale, il est notoire que le facteur de compétition peut engendrer de fortes pressions sur les jeunes sportifs, parfois couplées avec des méthodes d’entraînement et des emprises personnelles particulièrement délétères.

Il existe toutefois des outils et des initiatives qui visent à mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant. Ainsi, la Charte des droits de l’enfant dans le sport, développée dès la fin des années 1970, puis adaptée aux défis contemporains, propose 10 droits essentiels :

1. Droit de faire du sport,
2. Droit de faire du sport pour le plaisir et de jouer comme un enfant,
3. Droit de bénéficier d’un milieu sain,
4. Droit d’être traité avec dignité,
5. Droit d’être entraîné et entouré par des personnes compétentes,
6. Droit de participer à des entraînements et des compétitions adaptés à ses capacités,
7. Droit de se mesurer à des jeunes qui ont les mêmes probabilités de succès,
8. Droit de faire du sport pour la santé en toute sécurité et sans dopage,
9. Droit d’avoir un temps de repos,
10. Le droit d’être ou de ne pas être un champion.

Reste que si ce texte est largement diffusé et ratifié, en particulier via l’association Panathlon international, sa mise en œuvre reste, comme souvent, complexe, pour ne pas dire aléatoire. Cette difficulté est d’une part liée à l’évolution du sport des enfants, qui est passé d’un loisir récréatif géré par les enfants à une activité sociale encadrée par les adultes. Des enjeux de compétition et de sponsoring émergent de nouvelles exigences et de nouveaux risques.

D’autre part, il reste difficile d’identifier des formations spécifiquement centrées sur la prise en compte des droits de l’enfant dans le monde du sport. Outre la faiblesse de l’offre de formation, on peut imaginer que le milieu de l’encadrement sportif soit encore très imprégné de valeurs traditionnellement paternalistes, sur lesquelles l’adulte fait reposer ses méthodes d’entraînements. L’adulte sait, l’enfant obéit. Une ouverture des structures en charge de la formation des entraîneurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, permettrait peut-être d’engager une réflexion nécessaire sur les relations entre l’enfant sportif et le monde du sport, de renforcer la prévention, afin de mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant.

Photo : Adrià Crehuet Cano / unsplash.com