Les cantons sont d’accord: il faut renforcer la participation de l’enfant!

Loading

La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA) publient ce jour leurs « Recommandations relatives au placement extra-familial ». Attendu depuis longtemps, ce document pose un nouveau cadre clair concernant le respect des droits de l’enfant dans le cadre des mesures de placement hors du milieu familial. Le communiqué souligne d’ailleurs que: « les recommandations se prononcent sur des points essentiels qui n’ont jusqu’ici pas été thématisés de manière aussi précise comme la participation de l’enfant à chaque étape du placement, le concept de la personne de confiance (ou personne de référence), le soutien et l’accompagnement des familles d’accueil et les aspects liés à la surveillance ». Cette nouvelle étape est importante à plus d’un titre. Tout d’abord, comme les mesures de protection de l’enfant relèvent de la compétence des cantons, ce document qui émane de leur « organe faîtier » indique clairement la voie à suivre et l’engagement clair des responsables politiques de ce domaine. Ensuite, les recommandations permettent d’envisager d’atteindre une certaine harmonisation des pratiques existantes. Pour donner un exemple trivial, le vocabulaire employé dans les différentes sources législatives régissant le placement est différent d’un canton à l’autre, ainsi qu’entre le(s) canton(s) et la Confédération: ainsi, l’Ordonnance fédérale sur le placement d’enfant dit que « le premier critère à considérer (…) est le bien de l’enfant », la Loi fribourgeoise sur l’enfance et la jeunesse déclare que « toute mesure prise doit l’être dans l’intérêt supérieur de l’enfant » (article 3), alors que la Loi vaudoise sur la protection des mineurs déclare que « toute décision prise en vertu de la présente loi doit l’être dans l’intérêt prépondérant du mineur »… Enfin, ces recommandations s’inscrivent dans les suites à donner aux recommandations émises, cette fois, par le Comité de l’ONU relatif aux Droits de l’enfant, qui, dans son dernier rapport, enjoignait notre pays à harmoniser ses pratiques en matière de protection des mineurs. A titre plus personnel, il est réjouissant de constater que le travail de pionnier mené par l’association Particip’Action se voit, indirectement, reconnu par les autorités compétentes. Notre investissement en faveur de la participation des jeunes enfants , à l’image des projets menés actuellement avec le Canton de Vaud, pourra ainsi se poursuivre et se renforcer. Photo : capture d’écran « Recommandations… »

Sport, jeu et droits de l’enfant

Loading

Vers l’âge de six ans, mon fils a demandé à rejoindre le club de foot de la région, motivé par l’idée d’aller « jouer au foot avec ses copains ». Après le troisième entraînement, il est rentré tout penaud, nous demandant s’il pouvait arrêter. Interrogé sur les raisons de ce rapide changement, il nous a expliqué que ce n’était pas drôle de devoir faire des tours de terrain ou des abdos à la moindre contravention aux injonctions de l’entraîneur. Les chaussures à crampons ont été rendues le lendemain. Cette anecdote sans conséquence illustre une première tension lorsque l’on parle des enfants pratiquant un sport : s’agit-il de partager un moment de jeu entre amis, ou est-ce que le fait d’être membre d’un club implique obligatoirement de se plier à une discipline perçue comme nécessaire à l’obtention de résultats ? L’esprit de groupe, le sens de l’effort, la joie de la victoire sont des valeurs importantes et formatrices, très souvent au cœur des entraînements sportifs. Encore faut-il qu’elles soient comprises et partagées par l’enfant, et qu’elles répondent à ses motivations personnelles. La Convention relative aux Droits de l’Enfant reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, et celui de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge (article 31). La pratique du sport n’est pas explicitement mentionnée dans la convention, mais elle s’inscrit de manière générale dans le droit au développement de l’enfant (article 6) et son droit à la santé (article 24). Il s’agit d’une approche de nature déclarative, encourageant les Etats à tenir compte de ce type de besoin, par exemple dans l’aménagement du temps scolaire. On le sait, la pratique du sport par les enfants est cependant un domaine au sein duquel peuvent se développer différentes formes d’abus, comme l’étude de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne l’a récemment documenté. Elle constate que parmi les jeunes sportifs interrogés, 20,3% ont affirmé avoir subi des violences psychologiques et physiques, 15,5% des violences sexuelles et psychologiques et 15,5% les trois formes de violence. Le Centre sportif de Macolin a également été interpellé par les autorités fédérales pour répondre aux accusations d’abus commis en son sein. D’une manière plus générale, il est notoire que le facteur de compétition peut engendrer de fortes pressions sur les jeunes sportifs, parfois couplées avec des méthodes d’entraînement et des emprises personnelles particulièrement délétères. Il existe toutefois des outils et des initiatives qui visent à mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant. Ainsi, la Charte des droits de l’enfant dans le sport, développée dès la fin des années 1970, puis adaptée aux défis contemporains, propose 10 droits essentiels : 1. Droit de faire du sport,2. Droit de faire du sport pour le plaisir et de jouer comme un enfant,3. Droit de bénéficier d’un milieu sain,4. Droit d’être traité avec dignité,5. Droit d’être entraîné et entouré par des personnes compétentes,6. Droit de participer à des entraînements et des compétitions adaptés à ses capacités,7. Droit de se mesurer à des jeunes qui ont les mêmes probabilités de succès,8. Droit de faire du sport pour la santé en toute sécurité et sans dopage,9. Droit d’avoir un temps de repos,10. Le droit d’être ou de ne pas être un champion. Reste que si ce texte est largement diffusé et ratifié, en particulier via l’association Panathlon international, sa mise en œuvre reste, comme souvent, complexe, pour ne pas dire aléatoire. Cette difficulté est d’une part liée à l’évolution du sport des enfants, qui est passé d’un loisir récréatif géré par les enfants à une activité sociale encadrée par les adultes. Des enjeux de compétition et de sponsoring émergent de nouvelles exigences et de nouveaux risques. D’autre part, il reste difficile d’identifier des formations spécifiquement centrées sur la prise en compte des droits de l’enfant dans le monde du sport. Outre la faiblesse de l’offre de formation, on peut imaginer que le milieu de l’encadrement sportif soit encore très imprégné de valeurs traditionnellement paternalistes, sur lesquelles l’adulte fait reposer ses méthodes d’entraînements. L’adulte sait, l’enfant obéit. Une ouverture des structures en charge de la formation des entraîneurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, permettrait peut-être d’engager une réflexion nécessaire sur les relations entre l’enfant sportif et le monde du sport, de renforcer la prévention, afin de mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant. Photo : Adrià Crehuet Cano / unsplash.com

La Suisse exprime ses regrets face aux adoptions internationales illégales

Loading

Le Conseil Fédéral, de même que les Cantons par la CCDJP, expriment leurs regrets aux adoptés et à leurs familles, pour les manquements dont les d’adoptions internationales ont été l’objet au cours des procédures menées depuis la Suisse. Les autorités fédérales et cantonales déclarent s’engager pour soutenir la mise en place des moyens visant à soutenir les adoptés dans leurs démarches de recherche des origines. Une étude de la nécessité d’une révision du cadre légal relatif aux adoptions internationales est également lancée. Cette démarche fait suite à la remise au Conseil Fédéral du rapport relatif aux adoptions internationales depuis le Sri Lanka. Il s’agit d’un pas déterminant dans la reconnaissance des erreurs du passé dans le domaine complexe de l’adoption internationale : sans entrer dans une démarche accusatrice, le travail de l’association Back to the Roots, soutenu par d’autres comme Born in Lebanon, a permis d’aboutir à cette reconnaissance nationale. Cette approche restauratrice marque une étape fondamentale dans l’histoire de l’adoption internationale en Suisse, et, de manière plus large, dans la reconnaissance et la protection des droits de l’enfant. Conférence de presse

Les enfants invisibles

Loading

Dans le cadre de mes recherches liées à la place de l’enfant dans la société, j’avais vu passé sur les réseaux sociaux, il y a déjà longtemps, un reportage italien consacré aux enfants de travailleurs saisonniers en Suisse dans les années 60 – 70. Cette publication rappelait qu’à l’époque, la Suisse acceptait certes d’accueillir la main d’œuvre étrangère, mais lui refusait le droit de s’installer, et encore moins de venir en Suisse avec femme et enfant(s). Des familles ont toutefois bravé cet interdit, en faisant d’abord entrer leur enfant de manière clandestine sur le territoire, puis en le maintenant caché, sans contact avec l’extérieur, afin d’éviter une dénonciation ou un contrôle de la police des étrangers qui conduirait à une expulsion. Cette politique s’inscrit dans le contexte social de l’époque, illustré par l’initiative Schwartzenbach qui voulait limiter le nombre de travailleurs étrangers en Suisse. Si le projet sera finalement refusé, il marquera néanmoins durablement la politique migratoire fédérale. Pour revenir au sort de ces « enfants du placard », on trouve quelques marques d’intérêt pour ce thème, par exemple lors d’une exposition menée par le syndicat UNIA en 2014. Il fait actuellement l’objet d’une étude à l’université de Neuchâtel et la RTS lui a consacré une émission de Temps Présent en novembre 2019. Mais c’est la récente publication du livre de Vincenzo Todisco, intitulé « L’enfant lézard » (éditions ZOE) qui donne à chacun l’occasion de plonger dans l’univers effrayant de l’un de ces enfants. Suite au décès de la grand-mère auprès de qui il vivait, l’enfant est amené en Suisse, ses deux parents travaillant dans le but de pouvoir, un jour, construire leur maison en Italie. Laissé le plus souvent seul dans l’appartement, l’enfant, dont on ne connait pas le nom, écoute les bruits dans l’immeuble, compte les pas nécessaires à la traversée de chaque pièce, et se cache dans le placard si quelqu’un visite ses parents. Sa capacité à se faufiler en toute discrétion lui vaut le surnom de lézard. Au fil des années, il s’enhardit, sort de l’appartement, se glisse chez les voisins en leur absence, explore les moindres recoins de son immeuble. Il finit par faire quelques rencontres, heureusement bienveillantes, qui atténuent un tant soit peu « l’ensauvagement » qui se développe en lui. Piégés dans leur rêve inaccessible, ses parents font le constat désespéré de ce qu’ils imposent à leur fils, en souffrent et sombrent eux aussi peu à peu. Dans un style simple et pudique, l’auteur place le lecteur dans un rôle d’observateur, presque de spectateur, mal à l’aise à l’idée que certains de ces gamins ont pu vivre dans l’immeuble d’en face. On ne peut ensuite s’empêcher de réfléchir à notre société actuelle, dans laquelle les enfants migrants qui viennent de plus loin, restent souvent, eux aussi, sans papiers ni droit d’exister.

Célébrons la Convention!

Loading

En ce 20 novembre, date anniversaire de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE), il est de bon ton que tout expert des droits de l’enfant (auto proclamé) se fende de sa petite contribution célébrant les droits de l’enfant. A la recherche d’inspiration, j’ai eu l’idée de taper « enfant » sur le moteur de recherche le plus global, rubrique « actualités ». Bien m’en a pris, puisqu’est apparu en premier lien un communiqué de presse de l’Association Transports et Environnement, annonçant la publication de l’étude « Les enfants expert·es de leurs parcours quotidiens ». Parue le 17 novembre, cette étude mérite d’être largement diffusée, car elle concrétise une approche innovante de la mise en œuvre des droits de l’enfant à la participation. Centrée sur le parcours scolaire, l’étude se fonde sur les contributions dessinées de 120 enfants répondant à la question « qu’est-ce que tu aimes et qu’est-ce que tu n’aimes pas sur le chemin de ton école ? ». Un regard multidisciplinaire (droit, urbanisme, histoire, etc.) est ensuite porté sur ce matériau brut, pour en tirer des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et des parents. Ce projet est passionnant à plus d’un titre : tout d’abord, l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des domaines encore peu coutumiers de la prise en compte de l’avis des enfants. Ensuite, et outre les enseignements utiles à tout plan de mobilité scolaire dont pourront s’inspirer bien des autorités communales, ce projet rappelle que le droit de l’enfant d’être entendu sur toutes les thématiques qui le concernent doit aussi être compris dans sa composante sociale et politique. A ce titre, l’ATE adopte ici une posture novatrice qui doit être saluée. Ce matin, je trouve dans ma boîte email le communiqué de Terre des Hommes consacré à l’anniversaire de la Convention. Ici aussi, l’organisation adopte l’angle de la participation de l’enfant comme moteur de mise en œuvre de ses droits. Grâce à différents projets menés en Colombie, en Ukraine et en Palestine, des jeunes filles ont eu la possibilité de s’exprimer sur des thèmes essentiels à leur vie, et d’influencer ainsi leur destin, y compris dans un contexte social difficile. La participation de l’enfant constitue un moteur puissant vers une meilleure compréhension et donc une mise en œuvre plus complète de la Convention. Elle se heurte malheureusement encore trop souvent à de nombreux obstacles, comme je le constate également dans mes projets en lien avec la protection de l’enfance par exemple. Ce qui me paraît cependant réjouissant, c’est de constater qu’une fois que la parole de l’enfant a effectivement été recueillie, sa sincérité et sa pertinence suffisent souvent à désarçonner, et parfois même à convaincre, l’adulte récalcitrant. Bon anniversaire à la Convention ! Photo : dessin

Kidnapping: une série bien enlevée

Loading

Enlèvements d’enfants, adoption internationale, procréation médicalement assistée, mères porteuses, la série danoise « Kidnapping » (DNA dans son titre original) résonnait suffisamment avec mon parcours professionnel pour que j’enfile illico mon costume d’expert… de canapé. Cette série en huit épisodes, signée Torleif Hoppe, co-créateur de « The Killing », débute par une enquête policière portant sur la disparition d’une petite fille de 11 mois. Alors que les investigations s’orientent rapidement vers le père de la fillette, réfugié iranien débouté dans sa demande d’asile, un évènement catastrophique vient bouleverser la vie de l’inspecteur Rolf Larsen en charge de l’enquête. Dès le deuxième épisode, la narration fait un bon de 5 ans en avant, la suite de la série devant permettre à l’inspecteur Larsen de découvrir ce qui s’est réellement passé au moment de l’enlèvement, puis au cours de ces années. Au fur et à mesure que l’histoire progresse, le scénario met subtilement en avant des thèmes de société liés à la filiation : on l’a dit, le premier suspect est un réfugié iranien, caricature du père kidnappeur. Plus tard, l’enquête croise à Paris un couple homosexuel qui a « adopté » un petit garçon en ayant eu recours à une mère porteuse (alors que cela est interdit en France). « On savait qu’on n’était pas vraiment dans les clous avec cette procédure » reconnaît l’un des partenaires. Un autre couple devra avouer avoir refusé l’enfant qui lui était proposé, madame n’ayant pu s’y attacher, le teint de peau de l’enfant étant trop différent du sien. Mais à mes yeux, la réplique qui m’a le plus touchée est celle d’une responsable d’un foyer d’accueil polonais pour mères célibataires, qui déclare à l’inspecteur Larsen : « Nous respectons scrupuleusement les standards de la Convention de La Haye sur l’adoption ». Au-delà du fait que c’est probablement la première fois que la Convention de La Haye relative à l’adoption est explicitement mentionnée dans une série télé (ce qui tendrait à démontrer la « normalité » de cette procédure »), cette réflexion m’a replongé dans les missions d’évaluation des systèmes gouvernant l’adoption internationale que j’ai menées dans différents pays d’origine avec le Service Social International, UNICEF, et mon ami Nigel Cantwell. Nous y constations en effet trop souvent comment il était relativement aisé de contourner les normes internationales pour rendre des enfants adoptables et cacher leur véritable origine. Manipulation des mères pour consentir à l’abandon, exploitation des zones grises des législations nationales, jonglage entre différents pays pour profiter de leurs avantages sociaux, économiques et législatifs, les moyens sont nombreux pour créer des filiations à tous prix. Le fait que la dimension internationale de la gestation pour autrui ne fasse aujourd’hui encore l’objet d’aucune régulation internationale reste d’ailleurs l’objet d’une profonde préoccupation de la part des défenseurs des droits de l’enfant à travers le monde. « Kidnapping » reste bien sûr une œuvre de fiction, avec ses ressorts dramatiques et ses défauts, mais elle a le mérite d’illustrer ce qu’une certaine forme de « globalisation des modes de filiation » peut engendrer comme dérives, tout en préservant une forme de respect envers la sincérité des différents acteurs concernés.

Pour des agences de com’ responsables

Loading

Le journal Le Temps a publié hier un Grand Angle du journaliste Arnaud Robert intitulé « Ce que la vie de Rosius Fleuranvil dit de l’aide humanitaire ». Cet article décortique l’histoire qui se cache derrière le portrait d’un homme, affiché dans le cadre d’une campagne publicitaire de la Croix-Rouge. Le journaliste, emporté par le désir de savoir qui est l’homme sur l’affiche, s’embarque dans une enquête minutieuse qui l’emmène d’Haïti jusque dans les méandres de la « communication humanitaire ». Cet exercice journalistique en dit long sur les ressorts d’une campagne de communication qui, bien qu’au bénéfice d’une organisation dont la noblesse est reconnue, se prend plusieurs fois les pieds dans le tapis et ne résiste ainsi pas longtemps à l’analyse critique. Si je reviens ici sur cette brillante contribution, c’est parce que depuis quelques jours, je me fais la même réflexion à propos de la campagne d’affichage du comité soutenant le oui à l’initiative « multinationales responsables ». Cette affiche, et ses différentes déclinaisons numériques, présentent, plein cadre, une enfant au regard triste, la moque au nez, sur un fonds où l’on peut deviner une exploitation minière, possiblement en Amérique du Sud. Croiser ce regard quotidiennement sur les quais de gare me révolte profondément, et ce à plus d’un titre : pourquoi est-il toujours absolument nécessaire, voire inévitable, d’utiliser une image d’enfant pour susciter une possible adhésion à n’importe quel message, qu’il soit publicitaire, humanitaire ou politique ? En quoi cette image est-elle susceptible de nourrir le débat politique suisse en question ? Le message des initiants est-il aussi simpliste que « les multinationales empoisonnent les enfants » ? Est-ce que la combinaison du texte « enfant empoisonné » et de la photo veut nous faire comprendre que cet enfant-là est elle-même empoisonnée, et que mon vote va la venger, la sauver, ou l’aider d’une manière quelconque ? Et de la même manière que l’a fait le journaliste du Temps, qui peut bien savoir qui est cet enfant, où vit-elle, est-elle concernée par les conséquences sanitaires d’exploitations minières irrespectueuses des droits humains ? On en serait presque à imaginer que cela soit le cas, histoire que notre propre malaise n’ait pas été dupé une fois de plus. L’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant déclare pourtant que nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation, et que l’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. Le droit à l’image fait naturellement partie de cette protection. Est-ce que cette petite fille sait que ses grands yeux tristes sont sensés émouvoir toute la Suisse ? A-t-elle donné son accord ? Touche-t-elle-même des droits sur la diffusion de son image ? D’une manière plus générale, force est de constater que l’exploitation (car s’en est une également) de l’image de l’enfant reste une « valeur sûre » du monde de la communication, vecteur puissant d’émotion et donc générateur de retombées. Si les droits de l’enfant tracent peu à peu leur chemin à l’école ou dans les domaines de la protection de l’enfance, il serait temps que le monde de la com’ s’y intéresse également.

Mon ami «inazinaire»

Loading

Johannes, surnommé Jojo, a 10 ans. Comme il ne connait du monde que l’Allemagne fasciste, avec ses codes et ses valeurs, c’est tout naturellement qu’il se considère comme un vrai nazi. Il voue une admiration sans borne à Adolphe Hitler, à qui il s’adresse régulièrement comme le font les enfants ayant un ami imaginaire. Ce point de départ un peu déroutant permet au réalisateur Waititi de poser un regard d’enfant sur cette période sombre et complexe de l’histoire allemande. Cet exercice n’est pas sans rappeler « Le Tambour » de Schlöndorf (les deux jeunes acteurs ayant d’ailleurs une ressemblance physique un peu troublante), mais si le héros du Tambour refuse le monde des adultes, Jojo veut absolument s’y conformer. Malheureusement, après un bête accident avec une grenade, Jojo se voit reléguer à des tâches peu glorieuses au sein des Hitlerjugend. Cette première faille va peu à peu conduire Jojo à devoir remettre en question ses convictions, jusqu’à ce que la fin de la guerre lui permette de se débarrasser définitivement de son ami Adolphe. Si Waititi affectionne le monde de l’enfance (il a aussi réalisé l’excellent « A la poursuite de … »), il présente ici une histoire parfois déroutante qui oscille entre le conte enfantin un peu loufoque et la réalité atroce de l’époque. Ainsi, le thème de la persécution des juifs occupe une place importante tout au long du film, et si Jojo s’est construit une vision totalement fantasmée du judaïsme, nourrie par la propagande et la bêtise, ces mêmes stéréotypes deviennent effrayants lorsqu’ils servent aux adultes pour justifier leurs actes. Au final, Jojo Rabbit aide surtout à faire comprendre la difficulté à grandir, l’importance des modèles … et la place de l’enfant dans le chaos du monde adulte.