Fin de l’adoption internationale en Suisse: petit bilan personnel

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Engagé en 2002 par l’Office Fédéral de la Justice, j’ai eu la chance de travailler à la mise en œuvre de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale qui allait entrer en vigueur en Suisse l’année suivante. Avec David Urwyler, nous avons mis sur pied la nouvelle autorité centrale fédérale, créé une procédure d’accréditation des intermédiaires, coordonné l’action avec les cantons et les partenaires à l’étranger. C’était une période passionnante marquée par l’envie d’améliorer un système qui puisse être guidé par les droits de l’enfant. Après l’obtention de mon master en droits de l’enfant, et la publication de mon étude « Adoption internationale : une évolution entre éthique et marché », j’ai rejoint en 2005 le Service Social International et son programme dédié aux droits de l’enfant dans le contexte de l’adoption. UNICEF s’intéressait alors aux pays d’origine des enfants adoptés et lançait une série de consultations pour les soutenir dans l’analyse de leurs pratiques et l’engagement des réformes nécessaires. J’ai une seconde fois eu la chance d’être au bon endroit au bon moment, puisqu’avec Nigel Cantwel, nous allions entamer une « tournée mondiale » qui nous conduirait entre autres au Kazakhstan, au Kyrgyzstan, en Arménie, au Vietnam, au Guatemala, au Ghana, etc. Avec les collègues du SSI, nous avons construit des plaidoyers, des formations et des publications en se nourrissant de ces expériences de terrain, et avons participé aux Commissions spéciales organisées par la Conférence de La Haye qui réunissaient les pays membres de la convention. J’ai quitté le SSI en 2015. Au cours de ces années, j’avais coutume de dire, lorsque l’on m’interrogeait sur mon travail, que je ne savais toujours pas si l’adoption internationale était « bien ou mal », mais que dans la mesure où elle existe, il était essentiel de tout mettre en œuvre pour qu’elle soit guidée par les besoins et l’intérêt des enfants concernés. Malgré l’apparente évidence de cette conclusion, il demeurait nécessaire de combattre les préjugés dédouanant les responsabilités (les enfants auront de toute façon une meilleure vie une fois adoptés), de dénoncer les consensus trop favorables à la satisfaction des demandes d’enfants adoptables, de convaincre de la nécessité des réformes malgré les défaillances structurelles de contextes nationaux. Cet engagement en faveur du progrès trouvait sa source dans la Convention relative aux droits de l’Enfant, qui reconnaît que l’adoption internationale est une mesure de protection de l’enfant, dans le strict respect des conditions posées par son article 21. Cette approche, qui consiste à considérer qu’une adoption internationale soit le meilleur choix pour un enfant lorsque les options nationales font défaut, est un droit de l’enfant qui mérite d’être défendu. Je ne cacherai pas le fait que d’avoir visité des dizaines « d’orphelinats » à travers le monde constitue également un puissant facteur de motivation, même si c’est précisément ce type de réactions qu’il faudrait pouvoir écarter lorsque l’on travaille dans ce domaine. Car c’est bien là que se niche le paradoxe fondamental : est-il possible de s’assurer que les enfants adoptables et adoptés sont bien ceux pour lesquels cette mesure de protection est la plus appropriée, sachant que les risques d’abus ne pourront jamais être exclus à 100% ? J’ai eu l’honneur d’être invité à rejoindre le groupe d’experts chargés par le Conseil fédéral de réfléchir à l’avenir de l’adoption internationale pour la Suisse. Ce chantier a été lancé suite à la dénonciation des nombreux abus dont a souffert l’adoption par le passé, et avait comme objectif de répondre par oui (sous condition) ou par non à cette question. Sur la base de notre rapport, le Conseil Fédéral a fait le choix de répondre non, dans une analyse factuelle des enjeux qui lui ont été soumis. Cette décision suit celles prises récemment par les Pays-Bas et le Québec, mais aussi par la Chine, l’Ethiopie et d’autres pays d’origine. S’il est encore prématuré de voir dans cette tendance la fin de l’adoption internationale, elle marque sans nul doute un profond changement de perception. Lorsqu’un pays d’accueil met fin à l’adoption internationale, il reconnaît d’une certaine manière qu’il ne lui appartient pas d’assurer la probité des procédures conduisant à l’adoptabilité. Ce faisant, il renonce à cet ancien devoir tacite de répondre aux demandes des candidats à l’adoption qui ont longtemps constitué une force de pression importante. Mais il met également fin aux engagements de coopération développés avec les pays d’origine qui ont souvent montré leur efficacité. Lorsqu’un pays d’origine décide qu’il n’a plus besoin de l’adoption internationale, il se réapproprie sa souveraineté en matière de protection de l’enfance, rompant ainsi définitivement avec une vision d’assistance nord-sud inéquitable. La globalisation galopante de la société mondiale va peut-être devoir réinventer l’adoption internationale : la circulation internationale des enfants va se poursuivre et augmenter, quelles qu’en soient les moyens et les causes ; les désirs de parentalité vont perdurer et risquent de se réorienter vers de nouveaux moyens abusifs ; et l’enfance en détresse n’est pas près de disparaître. Si les progrès réalisés par plusieurs pays d’origine peuvent se poursuivre et s’étendre à d’autres pays, il appartiendra alors à ces derniers de décider si l’adoption internationale est une mesure de protection valable… ou pas.   A titre personnel, le bilan est assez ambivalent, mais comme aujourd’hui une conclusion s’impose, j’ai le sentiment que même si j’ai beaucoup scié la branche sur laquelle j’étais assis, le travail accompli avec mes nombreux collègues a conduit à un changement qui, s’il est plus radical qu’attendu, n’en illustre pas moins une évolution sociale plus respectueuse des droits de l’enfant. Ce qui est déjà pas mal. Photo: mission en République Démocratique du Congo (2014), archives personnelles.

Abus dans l’Eglise : la chute de Pierre et l’envol des paroles

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La CECAR (Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation) a publié la semaine passée son rapport d’activité 2023. L’organisation constate une nette augmentation des demandes de victimes depuis la publication du « Rapport concernant le projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans le contexte de l’Église catholique romaine en Suisse depuis le milieu du 20ème siècle » en septembre 2023 : vingt nouvelles requêtes ont été reçues entre la publication du rapport et la fin de l’année. A ce chiffre devraient s’ajouter celles déposées devant les Commissions diocésaines (gérées directement par les évêchés), mais à ma connaissance, ces chiffres ne sont malheureusement pas publiés. On le sait : l’intérêt social et médiatique porté à ce sujet difficile joue aujourd’hui un rôle essentiel dans la libération de la parole des victimes, en leur donnant le courage de témoigner et de réclamer reconnaissance et réparation. Le recueil de leurs témoignages démontre à chaque fois combien le silence est porteur d’un traumatisme aussi grave que l’abus subi. Le silence imposé par l’emprise de l’abuseur, par la honte qui salit les proches, et par la peur de la vindicte des bigots porteurs d’œillères. La semaine passée est venu s’ajouter le silence imposé par la célébrité. Les révélations concernant les multiples comportements abusifs de l’Abbé Pierre ont fait tomber une icône, « personnalité préférée des français » pendant des années. La communication officielle a été réalisée par la Communauté d’Emmaüs, avec un courage et une transparence qui pourrait inspirer bien des structures religieuses. Quelques jours plus tard, d’autres voix se sont manifestées pour dire « qu’on savait » ; on savait que la carrière d’Henri Grouès avait été marquée par plusieurs épisodes pour le moins douteux, et que les rares initiatives ayant essayé d’y mettre fin ont été insuffisantes face au statut du personnage. La  Commission indépendante sur les abus dans l’Église a également confirmé avoir identifié trois situations mettant l’abbé en cause. Depuis la fin de l’omerta, d’autres témoignages apparaissent et confirment la « compulsion sexuelle du clerc catholique». Ce nouvel épisode, qui voit se télescoper un #MeToo des célébrités avec les révélations sans fin des abus commis au sein de l’Eglise catholique, démontre une fois de plus que les abus peuvent survenir partout, et de la part de n’importe qui. L’Eglise catholique a exprimé, comme chaque fois serait on tenté de dire, sa « douleur et sa honte », alors que, comme chaque fois, elle savait… Il serait peut-être temps pour elle d’apprendre de ses échecs et de se confronter franchement aux problèmes qui la rongent de l’intérieur. photo: Kristina Flour unsplash.com

« La Mif », la claque

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A l’affiche depuis quelque temps dans le cinéma romand, « La Mif », du cinéaste Fred Baillif, raconte la vie d’un groupe d’adolescentes accueillies dans un foyer genevois. Comme pour ajouter aux tensions inévitables liées au placement et à ses contraintes, un évènement vient mettre à mal non seulement l’équilibre des jeunes filles, mais également celui de la structure éducative, jusqu’à sa direction. Ce film, déjà primé plusieurs fois, présente une vision très réaliste, parfois même assez dure, de la vie dans un foyer, et du travail social avec des adolescents qui traversent des crises multiples. Sa force repose sur un choix narratif discontinu particulièrement bien pensé, mais surtout sur le choix des actrices. Les adolescentes sont extrêmement touchantes dans la manière simple et juste d’interpréter leur personnage. Les éducs, plus en retrait, font tenir la baraque sur le front du quotidien. La directrice doit quant à elle faire en sorte que son navire avance, malgré les pressions de son conseil de fondation et un drame personnel. C’est Claudia Grob qui porte ce rôle, elle-même ancienne directrice de foyer d’accueil. Pour celles et ceux qui la connaissent, Claudia est dans ce film (presque) comme elle est dans la vie ; elle est cette directrice, à l’écran comme dans sa vie professionnelle. Ce mélange des genres met ainsi le spectateur dans une position totalement inédite, où la sincérité des scènes oblige souvent à se rappeler qu’il s’agit d’une fiction. Fred Baillif a travaillé comme éducateur, et cela se sent. Au-delà de sa réussite artistique, « La Mif » offre une portée pédagogique, presque documentaire, passionnante pour qui s’intéresse aux enjeux et aux défis liés à la protection de l’enfance. Les questions soulevées entre les lignes touchent des aspects fondamentaux du travail social : les interdits, la distance émotionnelle, la place des parents, le cadre institutionnel, les valeurs personnelles, etc. Autant « Ma vie de courgette » a su montrer le désarroi des petits, autant « La Mif » projette, à leur échelle, celui des plus grands. Après les cinéphiles, il est à espérer que le monde de l’enseignement et celui du travail social s’approprieront cette œuvre originale pour inspirer les réflexions toujours nécessaires autour de l’accompagnement des mineurs. Présentation et reportage Photo : affiche du film

L’enfance maltraitée continue de demander des comptes

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Au cours des trois dernières semaines, plusieurs informations ont relayé différentes situations où des adultes, victimes durant leur enfance d’anciennes pratiques désormais condamnées, ont revendiqué la reconnaissance de leurs droits et, pour certains d’entre eux, une réparation pour les torts subis. Le 16 novembre, en Irlande, le Gouvernement a présenté son plan pour répondre aux victimes de placements forcés ayant conduit à d’innombrables abus et à des adoptions illégales. Le cas de ce pays est particulièrement tragique : l’enquête rendue publique au début de cette année « a mis en évidence 9000 décès, soit 15% des 57 000 enfants qui sont passés par ces établissements entre 1922 et 1998 ». Après avoir présenté ses excuses, le Gouvernement s’engage désormais dans un processus de réparation financière. Contrairement à la Suisse qui avait choisi de verser une contribution unique et symbolique dans le dossier similaire dits des placements forcés, l’Irlande a dressé une échelle de tarifs basée sur la durée du séjour en institution ainsi que sur l’obligation de travailler. Les personnes concernées ont d’ores et déjà fait part de leur mécontentement face à ce choix, ce qui paraissait inévitable. L’expérience montre en effet que ce n’est pas tant le montant de la réparation qui est déterminant, mais le symbole de reconnaissance. En choisissant une forme de gradation dans la violence subie, le Gouvernement irlandais risque fort de manquer (en partie) son rendez-vous avec l’Histoire. Dans le domaine de l’adoption internationale, l’association Brazilian Baby Affairs a obtenu une grande victoire devant la juridiction néerlandaise : l’action individuelle du fondateur de l’association, Patrick Noordoven, pour faire reconnaître son droit à l’identité personnelle, a été admise en justice le 24 novembre 2021. La cour a constaté que le pays d’accueil n’avait pas rempli ses obligations pour préserver ce droit, alors qu’il savait que l’adoption en question était entachée d’illicéités. Cela fait près de 20 ans que Patrick Nordoven se bat sans relâche pour faire reconnaître ses droits en tant qu’adulte adopté au Brésil dans les années 1980, par une procédure entachée de graves irrégularités. Son combat s’inscrit également dans la prise de position plus large des Pays-Bas qui ont reconnu les erreurs du passé en matière d’adoption internationale, dans un rapport publié au début de cette année. Toujours en novembre, mais en Suisse, ce sont les « Schankkinder » qui se manifestent. Ces « enfants du placard » ont vu leur enfance volée, enfermée, réduite au silence : en tant qu’enfants de travailleurs immigrés, leurs parents, par leur statut de saisonnier, n’avaient pas le droit de venir en Suisse avec leurs enfants. Certains l’ont fait malgré tout, rarement par choix d’ailleurs, mais ont dû cacher leur enfant pendant tout leur séjour en Suisse, privant ces derniers de toute forme de liberté, d’éducation, de vie sociale etc. Le livre « L’enfant lézard » qui raconte cette histoire a été chroniqué ici. Ces enfants aujourd’hui adultes (on estime leur nombre entre 10 et 15’000) demandent à leur tour une reconnaissance de leur histoire par les autorités suisses, sans toutefois revendiquer de compensation financière. Ces trois « cas » démontrent une fois encore la nécessité du travail de mémoire et d’introspection concernant la manière dont les Etats se sont « occupés de l’enfance » par le passé. Nul doute que bien d’autres histoires dramatiques continueront de ressurgir, mais ce qui est peut-être le plus important, c’est le potentiel de réflexions que ces drames doivent inspirer. Si bien des progrès sont en marche, le chemin reste toutefois encore bien long pour que les droits de l’enfant soient respectés en tout temps, et en tous lieux. Photo : Stefano Pollio, Unsplash

Célébrons la convention

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La Convention relative aux Droits de l’Enfant célèbrera demain 20 novembre son 32ème anniversaire. Pour l’occasion, j’avais mis de côté une archive de la RTS intitulée « Les enfants aussi ont des droits », diffusée le 3 janvier 1979. 1979, c’est « l’année internationale de l’enfant » proclamée par l’ONU, qui décide de lancer les travaux qui aboutiront 10 ans plus tard à l’adoption de la Convention. Ce petit reportage est intéressant à plus d’un titre : il présente l’initiative de Messieurs Georges Kolb, Pierre Aghte et Pierre Heinzer, dont on ne précise pas les fonctions, mais qui, cheveux longs et clope au bec, constatent combien il est difficile pour les enfants et les jeunes de faire entendre leur voix dans une société d’adultes qui commande, dirige et punit. Qu’il s’agisse des punitions collectives à l’école ou de l’impossibilité de choisir ses professeurs (quelle bonne idée !), des apprentis occupés à des tâches ingrates et sans intérêt pédagogique, de l’interdiction de la planche à roulette dans certaines communes ou de l’attribution du droit de garde lors d’un divorce, les enfants et les jeunes ont surtout le droit … de se taire. L’idée de ces messieurs consiste donc à imaginer un endroit où les jeunes pourraient venir poser les questions qui les préoccupent et trouver une aide à la résolution de leurs problèmes. Le reportage ne dit pas si ce projet s’est concrétisé. Un groupe d’enfants est également interrogé sur leurs droits : bien-être (nourriture, logement, repos), violence, divorce, respect, les sujets ne manquent pas, et la sagesse n’attend pas toujours le nombre des années… Hier, le Délégué général de la Communauté française aux droits de l’enfant (Belgique francophone) a lancé sa chaîne youtube pour « expliquer l’actualité des droits de l’enfant et le contenu de la Convention internationale ». Dans la vidéo de présentation, les jeunes identifient quelques droits qui leurs paraissent importants et font ainsi échos à leurs « prédécesseurs » de 1979 sur bien des points. Le projet belge conçu pour et avec les jeunes, sur un média qui leur convient, apporte une pierre de plus au formidable travail réalisé par le Défenseur des Droits de l’Enfant, Bernard De Vos. En Suisse, on rechigne encore à mettre en place un ombudsman pour les droits de l’enfant, malgré les recommandations répétées du Comité des Droits de l’Enfant. Dans notre beau pays, il faut toujours compter sur les initiatives privées comme celles de Kinderanwaltschaft ou la Fondation Hafen pour faire avancer les lignes… Si bien des progrès ont été accomplis depuis 1979, il reste encore de la place pour soutenir une mise en œuvre complète et systématique des droits de l’enfant dans tous les domaines qui les concernent. Bon anniversaire la Convention ! Photo : capture d’écran la RTS intitulée « Les enfants aussi ont des droits », diffusée le 3 janvier 1979

Mineurs et vaccinés: suites juridico-politiques

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J’ai commenté dans un post précédent la décision du Tribunal Cantonal de Fribourg concernant la possibilité, pour un mineur, de se déterminer librement quant à la décision de se faire vacciner, même si sa décision va à l’encontre de l’avis de ses parents. Cet arrêt faisait entre autres référence à la prise de position de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) qui allait dans le même sens, en mettant également en avant la nécessité de la capacité de discernement du mineur, ainsi que celle d’un accompagnement professionnel. Le 30 août dernier, la revue Plaidoyer [1] a publié un article titré « Mineurs et vaccination COVID-19 : qui décide et à quelles conditions ? » signé par trois avocates. Dans leur introduction, les auteures proposent de répondre à deux questions : « L’OFSP n’a-t-il pas agi dans la précipitation en tentant de faire croire que cet acte médical entrait dans les droits strictement personnels du mineur qui ne nécessitent pas l’accord de son représentant légal ? Ce tribunal a-t-il été exhaustif dans son analyse de la situation, en particulier celle du droit international applicable ? ». Après une première lecture de ce long article, j’ai constaté avec étonnement que pour les auteures, l’OFSP « a fait preuve de précipitation » et que le Tribunal Cantonal « n’a pas été exhaustif dans son analyse ». Que l’on exprime un avis divergent sur une question aussi délicate, c’est évidemment très bien, mais, peut-être à cause de la longueur du texte, je n’étais pas sûr à ce moment d’avoir bien compris la construction de la démonstration, et j’ai été surpris de n’avoir trouvé que de très rares références à la Convention relative aux Droits de l’Enfant. J’ai donc remis l’ouvrage sur le métier pour une lecture plus approfondie qui me fait relever les points suivants. Au second paragraphe de l’introduction, l’article se réfère à une lettre d’information de l’OFSP du 5 mai 2021 qui, selon les auteures déclarerait que « les enfants capables de discernement pourraient décider seuls de se faire vacciner, soit sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale, et cela dès l’âge de 10 ans ». La formulation me paraissant un peu lapidaire de la part d’un office fédéral, je suis allé voir le courrier en question, qui dit ceci : « On peut considérer qu’un enfant ou un jeune est capable de discernement s’agissant de la vaccination s’il est en mesure d’en évaluer les conséquences sur son organisme. La capacité à évaluer les conséquences d’une atteinte à l’intégrité physique dépend généralement de la portée d’une telle intervention et de son intensité. En règle générale, on suppose qu’un consentement valable n’est pas possible avant l’âge de 10 ans. Entre 10 et 15 ans, on admet une capacité de discernement progressive et, à partir de 15 ans, on peut présumer qu’une personne est capable de discernement. Il faut néanmoins vérifier si rien ne s’oppose à cette présomption. On peut en déduire que les titulaires de l’autorité parentale doivent uniquement donner leur consentement à la vaccination si l’enfant ou l’adolescent est incapable de discernement. S’agissant de la vaccination contre le COVID-19, on peut, de manière générale, supposer qu’un jeune de 16 ans est capable d’en évaluer les conséquences. Le consentement des parents ou des titulaires de l’autorité parentale n’est donc pas requis pour vacciner les jeunes de 16 à 18 ans. Même si le jeune souhaitant se faire vacciner a moins de 16 ans, il peut donner son consentement à la vaccination sans l’accord de ses parents, à condition qu’elle soit jugée être capable de discernement ». Il n’est donc dit nulle part qu’un enfant de 10 ans pourrait décider seul de se faire vacciner. Dans le premier chapitre consacré à l’autorité parentale, il est noté que « les titulaires de l’autorité parentale conservent le droit de décider à sa place [de l’enfant] pour la plupart des décisions », ce qui n’est pas correct, ni dans la forme, ni dans le fonds. L’autorité parentale n’est pas, en elle-même, une attribution qui permettait la plupart du temps de décider à la place de l’enfant. Au contraire, « la capacité de discernement lui confère une autonomie certaine qui surpasse la question de l’autorité parentale. Un principe qui s’applique également dans le domaine de la santé. La Suisse reconnaît donc le droit de l’enfant capable de discernement de consentir à un traitement (…). Il s’agit donc, pour ces enfants qui disposent du discernement, d’une sorte de « pré-majorité médicale »[2]. Le second chapitre analyse la question des droits strictement personnels et de la capacité de discernement : en résumé, selon les auteures, la capacité de discernement étant essentielle pour consentir à un acte médical, seul « un médecin ayant des compétences spécifiques en pédopsychiatrie ou un médecin connaissant particulièrement bien l’enfant » serait en mesure de l’évaluer correctement. La démonstration fait cependant l’impasse sur la question des droits de l’enfant et de leur portée en la matière. Sur la question de la capacité de discernement, en lien avec l’article 12 CDE consacré au respect de l’opinion de l’enfant dans les décisions qui le concernent, Jean Zermatten souligne par exemple : « La définition classique du discernement exige deux éléments : la faculté intellectuelle d’apprécier raisonnablement la portée d’une action et la faculté de se déterminer librement par rapport à cette action. On ne peut soutenir que le droit de l’enfant d’exprimer son opinion serait complètement dépendant de cette double condition. En effet, le fait de détenir complètement la faculté intellectuelle de comprendre la portée de l’action « exprimer son opinion » et de se déterminer librement d’après cette compréhension serait en contradiction avec l’absence de limite d’âge et aboutirait à exclure une grande partie des moins de 18 ans de ce droit. Dès lors, la traduction de la version anglaise : « …the child who is capable of forming his or her views…» par discernement, ne doit pas être comprise comme une définition stricte du terme « discernement», mais plutôt comme la recherche par le …

Nombrils du monde

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C’est un peu le marronnier de la rentrée : trop court, trop haut, trop serré ? La tenue vestimentaire des écoliers et des écolières revient en force cette année. A travers toute la Suisse romande, plusieurs institutions scolaires ont promulgué des règlements, parfois illustrés par des pictogrammes, pour établir ce qu’était la décence vestimentaire à respecter au sein de l’école. Si l’exercice est assurément délicat, il déclenche à chaque fois de longs débats que la presse relaie à l’envi. Les droits de l’enfant ont-ils leurs mots à dire entre les « protecteurs de la morale » et les « défenseurs des libertés individuelles » ? Les motivations des autorités scolaires à légiférer sont, en général, guidées par la volonté de « ne pas perturber l’enseignement », une tenue correcte constituant par ailleurs une forme de respect vis-à-vis des autres élèves et du corps enseignants. En d’autres termes, il s’agit d’une part de protéger les jeunes contre des comportements qui pourraient leur porter préjudice, et de garantir également une certaine morale sociale, même si ce dernier argument n’est jamais explicitement évoqué. Du côté des jeunes, mais aussi des adultes qui défendent une certaine vision de la liberté, on soutient que les choix vestimentaires font partie de l’évolution de chaque individu, que le rapport aux autres et à la séduction sont des étapes cruciales de l’adolescence, et que c’est finalement le regard des autres (et des adultes) qui pose problème, en sexuant les corps et en posant des interdits inutiles. D’un point de vue des droits de l’enfant, et bien que cela ne soit pas explicité par la Convention relative aux Droits de l’Enfant, on peut admettre que les choix concernant l’habillement relèvent de la vie privée, protégé par l’article 16. La vie privée regroupe différents éléments tels que la vie sentimentale ou sexuelle, l’état de santé, les opinions religieuses, politiques ou philosophiques, l’orientation sexuelle d’une personne, son anatomie ou son intimité corporelle (…). C’est ce qui fait l’unicité de chaque individu et est constitutive du développement de la personnalité et la construction identitaire. La manière de s’habiller s’inscrit donc pleinement dans ce cadre, et pourrait même être également liée à la liberté d’expression, tant le look est parfois porteur de message et d’identité. L’Etat a quant à lui un devoir général de protection, complémentaire à celui de la famille, mais dont l’intensité peut être variable en fonction des sujets traités, voire de la sensibilité des autorités concernées. La solution ? Au risque de paraître redondant, elle se trouve, du moins en partie, dans le droit à la participation. Rappelons que selon l’article 12 de la Convention, l’enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. Dans les débats actuels, a-t-on pris la peine de demander aux jeunes ce qu’ils pensaient du crop-top, du dos nu ou du mini short ? En demandant autour de moi, deux premiers éléments sont apparus : premièrement, certains jeunes exagèrent (par provocation ou par naïveté) : un décolleté trop plongeant peut être gênant même pour les pairs ; un « look de clochard » peut l’être tout autant. Deuxième point : on voit aussi des adultes qui matent, ce qui est également perturbant. Les enfants et les jeunes sont tout à fait conscients des enjeux qui les entourent, en matière d’habillement comme dans d’autres domaines. Si l’on souhaite les responsabiliser quant à leurs choix vestimentaires, alors il faut commencer par les écouter et entendre leur avis. Photo : NASA

Le Pays-Bas suspendent les procédures d’adoption internationale et s’excusent pour les abus du passé

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Après le rapport suisse paru fin 2020 et les regrets exprimés par les autorités fédérales concernant la mauvaise gestion des adoptions internationales, c’est au tour des Pays-Bas de prononcer un mea culpa historique sur ce même thème. Tout comme en Suisse, ce sont les revendications et les dénonciations des associations d’enfants adoptés qui ont conduit les autorités néerlandaises à mettre sur pied un comité d’enquête. Celui-ci a eu pour mandat de déterminer l’ampleur des abus ayant affecté les adoptions internationales d’enfants vers les Pays-Bas, d’examiner l’implication et la connaissance de ses abus par les services gouvernementaux et les intermédiaires privés, et d’identifier les moyens propres à répondre aux problèmes qui découlent de ces mauvaises pratiques et de leurs conséquences pour les adoptés. Le rapport hollandais couvre une période allant de 1967 à 1998, et se concentre sur 5 pays d’origine : Bangladesh, Brésil, Colombie, Indonésie et Sri Lanka. Son champ d’investigation est donc plus large que le rapport suisse centré sur les adoptions d’enfants en provenance du Sri Lanka dans les années 1980. L’organisation administrative hollandaise étant centralisée (contrairement au système fédéral où les autorités cantonales et communales ont longtemps été en charge des procédures), la commission d’enquête a eu la possibilité d’analyser une pratique nationale qui présente des caractéristiques cohérentes au fil des ans. Sur cette base, les auteurs du rapport dressent un tableau très critique quant à la manière dont les adoptions internationales ont été menées. Ils mettent en avant le fait que l’adoption internationale a toujours, et peut-être encore souvent, été perçue comme de toute façon profitable à l’enfant. Cette présomption a conduit les autorités à une politique de laissez-faire, et ce malgré le fait que des informations probantes d’abus et de mauvaises pratiques aient été portées à leur connaissance. Cet attentisme a été nourri par différents facteurs tels que le souhait de répondre aux désirs d’adoption des candidats (soutenus par l’opinion public et un certain establishment national), la volonté de maintenir de bonnes relations avec les pays d’origine, un contrôle insuffisant des activités des intermédiaires privés, etc. Les recommandations du rapport sont ici à la hauteur des enjeux, en demandant :– que le Gouvernement reconnaisse qu’il a failli dans ses obligations de traiter les adoptions entachées d’abus ;– que les adoptions internationales soient suspendues, considérant que le système actuel ne permet pas une poursuite des procédures qui soit totalement exempte d’abus ;– que soit mis en place un centre national qui puisse offrir une réelle expertise sur ce thème et qui permette de soutenir les adoptés dans leurs recherches d’origine. Le 8 février 2021, le Gouvernement néerlandais a annoncé une suspension des procédures d’adoption internationale. Cette décision radicale marque probablement une nouvelle étape dans l’histoire de l’adoption internationale, non seulement parce qu’elle est unique et qu’elle concerne toutes les procédures (des suspensions par pays d’origine ont eu lieu par le passé), mais surtout parce qu’elle incarne un changement complet de positionnement d’un Gouvernement d’un pays d’accueil. Ce choix sera-t-il suivi par d’autres ? Cela est fort possible, même s’il faudra du temps pour que chaque pays, qu’il soit d’accueil ou d’origine, puisse lancer un travail d’enquête historique et déterminer clairement les erreurs commises. En France, un collectif vient de lancer une pétition (ouverte à signatures à toute personne, même sans nationalité française) réclamant la création d’une commission d’enquête sur les adoptions illégales depuis 1970. A noter enfin que la commission d’enquête néerlandaise recommande fortement que les leçons du passé puissent être prises en compte dans la gestion des nouvelles méthodes de création de filiation, en particulier le recours aux mères porteuses. Or, sur ce thème, on constate malheureusement que de nombreux enjeux politiques, sociaux et économiques influencent encore profondément un débat qui devrait pourtant être fondé en priorité sur les droits de l’enfant.

Sport, jeu et droits de l’enfant

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Vers l’âge de six ans, mon fils a demandé à rejoindre le club de foot de la région, motivé par l’idée d’aller « jouer au foot avec ses copains ». Après le troisième entraînement, il est rentré tout penaud, nous demandant s’il pouvait arrêter. Interrogé sur les raisons de ce rapide changement, il nous a expliqué que ce n’était pas drôle de devoir faire des tours de terrain ou des abdos à la moindre contravention aux injonctions de l’entraîneur. Les chaussures à crampons ont été rendues le lendemain. Cette anecdote sans conséquence illustre une première tension lorsque l’on parle des enfants pratiquant un sport : s’agit-il de partager un moment de jeu entre amis, ou est-ce que le fait d’être membre d’un club implique obligatoirement de se plier à une discipline perçue comme nécessaire à l’obtention de résultats ? L’esprit de groupe, le sens de l’effort, la joie de la victoire sont des valeurs importantes et formatrices, très souvent au cœur des entraînements sportifs. Encore faut-il qu’elles soient comprises et partagées par l’enfant, et qu’elles répondent à ses motivations personnelles. La Convention relative aux Droits de l’Enfant reconnaît à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, et celui de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge (article 31). La pratique du sport n’est pas explicitement mentionnée dans la convention, mais elle s’inscrit de manière générale dans le droit au développement de l’enfant (article 6) et son droit à la santé (article 24). Il s’agit d’une approche de nature déclarative, encourageant les Etats à tenir compte de ce type de besoin, par exemple dans l’aménagement du temps scolaire. On le sait, la pratique du sport par les enfants est cependant un domaine au sein duquel peuvent se développer différentes formes d’abus, comme l’étude de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne l’a récemment documenté. Elle constate que parmi les jeunes sportifs interrogés, 20,3% ont affirmé avoir subi des violences psychologiques et physiques, 15,5% des violences sexuelles et psychologiques et 15,5% les trois formes de violence. Le Centre sportif de Macolin a également été interpellé par les autorités fédérales pour répondre aux accusations d’abus commis en son sein. D’une manière plus générale, il est notoire que le facteur de compétition peut engendrer de fortes pressions sur les jeunes sportifs, parfois couplées avec des méthodes d’entraînement et des emprises personnelles particulièrement délétères. Il existe toutefois des outils et des initiatives qui visent à mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant. Ainsi, la Charte des droits de l’enfant dans le sport, développée dès la fin des années 1970, puis adaptée aux défis contemporains, propose 10 droits essentiels : 1. Droit de faire du sport,2. Droit de faire du sport pour le plaisir et de jouer comme un enfant,3. Droit de bénéficier d’un milieu sain,4. Droit d’être traité avec dignité,5. Droit d’être entraîné et entouré par des personnes compétentes,6. Droit de participer à des entraînements et des compétitions adaptés à ses capacités,7. Droit de se mesurer à des jeunes qui ont les mêmes probabilités de succès,8. Droit de faire du sport pour la santé en toute sécurité et sans dopage,9. Droit d’avoir un temps de repos,10. Le droit d’être ou de ne pas être un champion. Reste que si ce texte est largement diffusé et ratifié, en particulier via l’association Panathlon international, sa mise en œuvre reste, comme souvent, complexe, pour ne pas dire aléatoire. Cette difficulté est d’une part liée à l’évolution du sport des enfants, qui est passé d’un loisir récréatif géré par les enfants à une activité sociale encadrée par les adultes. Des enjeux de compétition et de sponsoring émergent de nouvelles exigences et de nouveaux risques. D’autre part, il reste difficile d’identifier des formations spécifiquement centrées sur la prise en compte des droits de l’enfant dans le monde du sport. Outre la faiblesse de l’offre de formation, on peut imaginer que le milieu de l’encadrement sportif soit encore très imprégné de valeurs traditionnellement paternalistes, sur lesquelles l’adulte fait reposer ses méthodes d’entraînements. L’adulte sait, l’enfant obéit. Une ouverture des structures en charge de la formation des entraîneurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, permettrait peut-être d’engager une réflexion nécessaire sur les relations entre l’enfant sportif et le monde du sport, de renforcer la prévention, afin de mieux concilier sport, jeu et droits de l’enfant. Photo : Adrià Crehuet Cano / unsplash.com

Les enfants invisibles

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Dans le cadre de mes recherches liées à la place de l’enfant dans la société, j’avais vu passé sur les réseaux sociaux, il y a déjà longtemps, un reportage italien consacré aux enfants de travailleurs saisonniers en Suisse dans les années 60 – 70. Cette publication rappelait qu’à l’époque, la Suisse acceptait certes d’accueillir la main d’œuvre étrangère, mais lui refusait le droit de s’installer, et encore moins de venir en Suisse avec femme et enfant(s). Des familles ont toutefois bravé cet interdit, en faisant d’abord entrer leur enfant de manière clandestine sur le territoire, puis en le maintenant caché, sans contact avec l’extérieur, afin d’éviter une dénonciation ou un contrôle de la police des étrangers qui conduirait à une expulsion. Cette politique s’inscrit dans le contexte social de l’époque, illustré par l’initiative Schwartzenbach qui voulait limiter le nombre de travailleurs étrangers en Suisse. Si le projet sera finalement refusé, il marquera néanmoins durablement la politique migratoire fédérale. Pour revenir au sort de ces « enfants du placard », on trouve quelques marques d’intérêt pour ce thème, par exemple lors d’une exposition menée par le syndicat UNIA en 2014. Il fait actuellement l’objet d’une étude à l’université de Neuchâtel et la RTS lui a consacré une émission de Temps Présent en novembre 2019. Mais c’est la récente publication du livre de Vincenzo Todisco, intitulé « L’enfant lézard » (éditions ZOE) qui donne à chacun l’occasion de plonger dans l’univers effrayant de l’un de ces enfants. Suite au décès de la grand-mère auprès de qui il vivait, l’enfant est amené en Suisse, ses deux parents travaillant dans le but de pouvoir, un jour, construire leur maison en Italie. Laissé le plus souvent seul dans l’appartement, l’enfant, dont on ne connait pas le nom, écoute les bruits dans l’immeuble, compte les pas nécessaires à la traversée de chaque pièce, et se cache dans le placard si quelqu’un visite ses parents. Sa capacité à se faufiler en toute discrétion lui vaut le surnom de lézard. Au fil des années, il s’enhardit, sort de l’appartement, se glisse chez les voisins en leur absence, explore les moindres recoins de son immeuble. Il finit par faire quelques rencontres, heureusement bienveillantes, qui atténuent un tant soit peu « l’ensauvagement » qui se développe en lui. Piégés dans leur rêve inaccessible, ses parents font le constat désespéré de ce qu’ils imposent à leur fils, en souffrent et sombrent eux aussi peu à peu. Dans un style simple et pudique, l’auteur place le lecteur dans un rôle d’observateur, presque de spectateur, mal à l’aise à l’idée que certains de ces gamins ont pu vivre dans l’immeuble d’en face. On ne peut ensuite s’empêcher de réfléchir à notre société actuelle, dans laquelle les enfants migrants qui viennent de plus loin, restent souvent, eux aussi, sans papiers ni droit d’exister.

Célébrons la Convention!

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En ce 20 novembre, date anniversaire de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE), il est de bon ton que tout expert des droits de l’enfant (auto proclamé) se fende de sa petite contribution célébrant les droits de l’enfant. A la recherche d’inspiration, j’ai eu l’idée de taper « enfant » sur le moteur de recherche le plus global, rubrique « actualités ». Bien m’en a pris, puisqu’est apparu en premier lien un communiqué de presse de l’Association Transports et Environnement, annonçant la publication de l’étude « Les enfants expert·es de leurs parcours quotidiens ». Parue le 17 novembre, cette étude mérite d’être largement diffusée, car elle concrétise une approche innovante de la mise en œuvre des droits de l’enfant à la participation. Centrée sur le parcours scolaire, l’étude se fonde sur les contributions dessinées de 120 enfants répondant à la question « qu’est-ce que tu aimes et qu’est-ce que tu n’aimes pas sur le chemin de ton école ? ». Un regard multidisciplinaire (droit, urbanisme, histoire, etc.) est ensuite porté sur ce matériau brut, pour en tirer des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et des parents. Ce projet est passionnant à plus d’un titre : tout d’abord, l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des domaines encore peu coutumiers de la prise en compte de l’avis des enfants. Ensuite, et outre les enseignements utiles à tout plan de mobilité scolaire dont pourront s’inspirer bien des autorités communales, ce projet rappelle que le droit de l’enfant d’être entendu sur toutes les thématiques qui le concernent doit aussi être compris dans sa composante sociale et politique. A ce titre, l’ATE adopte ici une posture novatrice qui doit être saluée. Ce matin, je trouve dans ma boîte email le communiqué de Terre des Hommes consacré à l’anniversaire de la Convention. Ici aussi, l’organisation adopte l’angle de la participation de l’enfant comme moteur de mise en œuvre de ses droits. Grâce à différents projets menés en Colombie, en Ukraine et en Palestine, des jeunes filles ont eu la possibilité de s’exprimer sur des thèmes essentiels à leur vie, et d’influencer ainsi leur destin, y compris dans un contexte social difficile. La participation de l’enfant constitue un moteur puissant vers une meilleure compréhension et donc une mise en œuvre plus complète de la Convention. Elle se heurte malheureusement encore trop souvent à de nombreux obstacles, comme je le constate également dans mes projets en lien avec la protection de l’enfance par exemple. Ce qui me paraît cependant réjouissant, c’est de constater qu’une fois que la parole de l’enfant a effectivement été recueillie, sa sincérité et sa pertinence suffisent souvent à désarçonner, et parfois même à convaincre, l’adulte récalcitrant. Bon anniversaire à la Convention ! Photo : dessin